‘‘Vous êtes mon bouclier et mes amis’’ (mijn schild en vrienden), plaisantait Bart De Wever au soir des élections, en référence explicite au groupuscule d’extrême droite Schild & Vrienden. Pour le président de la N-VA, le scandale Schild & Vrienden est déjà classé et source de blagues. Ces dernières semaines, les médias dominants flamands se sont faits plus silencieux au sujet de ce groupuscule, à la suite de l’indignation générale consécutive au reportage de la VRT qui a exposé ses pratiques au grand jour. Les tentatives de Van Langenhove de mettre sur pied des milices privées semblent être étouffées, du moins pour l’instant.
Par Fabian (Gand)
La chute ?
La ‘‘longue marche sur les institutions’’ prévue par S&V a également été interrompue, sous pression de l’indignation et suite aux mobilisations. Après le retrait de Van Langenhove du Conseil d’administration de l’Université de Gand, les membres de S&V ont été exclus du Conseil flamand de la jeunesse et des candidats identifiés S&V ont été retiré des listes électorales, notamment de la N-VA. Ces victoires sont en partie dues aux forces antifascistes qui ont continué à se mobiliser contre l’extrême droite, garantissant ainsi que ces idées ne bénéficient jamais d’une plateforme plus large et qu’elles ne puissent pas être traduites en violence structurelle dans la rue.
De nouveaux actes provocateurs ou brutaux – comme ils l’ont déjà fait contre des piquets de grève notamment – ne sont peut-être pas à attendre dans l’immédiat. Ils n’ont jamais annoncé leurs actions à l’avance par crainte de contre-mobilisations. La volonté de réagir n’a fait que croître depuis, certainement parmi la jeunesse. Driss Van Langenhove et quelques autres ont été discrédités à vie et Filip Dewinter est probablement le seul à encore oser qualifier de ‘‘garçon talentueux’’ l’ancien chouchou de droite des médias flamands.
Ou une reformation ?
Sur leur page Facebook, Dries Van Langenhove et les quelques fidèles qui lui restent continuent de clamer leur innocence et de lancer des accusations contre la ‘‘presse mensongère’’ dans laquelle ils avaient pourtant l’habitude de figurer jusqu’il y a peu. Leur page est maintenant suivie par 28.000 personnes et, si la majorité des gens ont été dégoutés par le reportage de la VRT, certains ont pu en être inspirés.
Entre-temps, un procès a permis à Van Langenhove d’avoir à nouveau accès à l’UGent, mais uniquement 8 heures par semaine et seulement à la bibliothèque de la faculté de droit. Reste à voir où mènera la procédure disciplinaire de l’université à son encontre et l’enquête judiciaire contre S&V.
Quand la présence de membres de S&V nuisait à la crédibilité d’autres personnes, ils sont écartés, parfois rapidement. Mais le fonctionnement de l’organisation n’a pas été bloqué. Même s’ils se feront discrets durant la prochaine période, de nombreuses membres de S&V restent actifs à l’UGent et sont membres de cercles étudiants réactionnaires comme le KVHV, le NSV et/ou Jong N-VA. L’un d’entre eux, Louis Ampe, est par ailleurs toujours membre du Conseil social de l’UGent.
Contre le fascisme, la mobilisation de masse
Le 4 septembre, quelques jours après que le reportage de la VRT ait été diffusé, une action a été menée devant l’Hôtel de Ville, suivie d’une grande manifestation le 25 septembre avec un millier de participants, dont de nombreux étudiants du secondaire et du supérieur, mais aussi le personnel de l’UGent. La délégation syndicale de la CGSP à l’UGent s’est mobilisée avec ardeur et a également été chercher le soutien de syndicalistes d’autres secteurs. Les Etudiants de Gauche Actifs (EGA) et la campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité) avaient appelé les étudiants gantois à se joindre à l’action avec un ‘‘Student Walkout’’ (un débrayage étudiant). L’appel a été repris dans six écoles secondaires et diffusé par des comités de mobilisation.
Après la manifestation, certains représentants étudiants ont appelé à une nouvelle action le 10 octobre au conseil social de l’université. Les comités étudiants dans le secondaire et à l’université (dans deux facultés) ont à nouveau joué un rôle clé dans la mobilisation pour cette action lors de laquelle une pétition comprenant plus de 3600 a été remise au recteur pour que Louis Ampe soit exclu du conseil social. Le recteur n’a jusqu’à présent donné aucune garantie que quelque chose sera effectivement. Nous ne pouvons pas tout simplement nous reposer sur les moyens juridiques et les organes officiels pour lutter contre l’extrême droite, la mobilisation est essentielle.
Nous devons avant tout être prêts à réagir si S&V ou d’autres groupes d’extrême droite tentent à nouveau d’entrer en action. Le samedi 22 septembre, EGA avait organisé une réunion à Termonde au sujet de la lutte contre l’extrême droite que des néonazis de la N-SA (le partenaire flamand du groupuscule francophone NATION) ont tenté de perturber. L’extrême droite représente toujours un danger. EGA et la campagne ROSA appellent donc à former des comités de mobilisation contre le fascisme et à se réunir à nouveau pour organiser la résistance contre le fascisme lorsque le besoin s’en fera sentir. Nous devons également mettre en place autant de mobilisations que possible afin de réduire leur confiance pour l’organisation de la marche de la haine annuelle du NSV (organisation étudiante officieuse du Vlaams Belang) qui aura probablement lieu à Louvain en mars prochain.
Il nous faut une alternative socialiste !
La mobilisation de masse ne suffit pas à elle seule. La force de l’extrême droite est une illustration de la faiblesse de la gauche. La recherche d’une alternative à la pauvreté, au chômage et à l’absence de perspective d’avenir pour les travailleurs et les jeunes est un processus ouvert. La victoire électorale de Forza Ninove illustre à nouveau que les partis traditionnels ne représentent pas une solution contre l’extrême droite. Le soutien électoral à l’extrême droite ne disparaîtra pas en reprenant une partie de son programme et en appliquant une politique de droite. Ceux qui pensaient que la N-VA était le meilleur remède contre le Vlaams Belang et ses dérivés peuvent aujourd’hui constater à quel point ils se sont trompés.
L’extrême droite, c’est la moisissure d’un système pourri : le capitalisme. Les fascistes tirent leur confiance de la rhétorique des populistes de droite de ‘‘diviser pour mieux régner’’. Ils ont besoin de boucs émissaires pour détourner l’attention de leurs politiques antisociales, qui ne font qu’accroître les frustrations et les tensions sociales.
Ce qu’il faut, c’est une alternative de gauche qui fasse quelque chose contre le désert social que le néolibéralisme a créé. Ce n’est qu’en luttant contre le racisme et en défendant les intérêts communs des travailleurs et des jeunes que nous pourrons réellement en finir avec le terreau qui alimente l’extrême droite. La lutte contre le racisme et la haine est directement liée à la défense d’emplois décents, d’un bon enseignement, de bons services publics,… pour tous !
EGA et la campagne ROSA appellent donc à rejoindre la résistance et à construire la lutte contre toutes les formes de discrimination et contre le système qui constitue son terreau, le capitalisme.