[INTERVIEW] ‘‘Je veux me battre et ne pas subir les mesures !’’

charleroi_chomage_06Dans le cadre de la journée d’actions contre les mesures anti-chômeurs du 10 mars dernier, un groupe de jeunes s’est particulièrement fait remarquer par son dynamisme et sa combattivité lors de la manifestation organisée par la Régionale de la FGTB Charleroi & Sud-Hainaut. Nous avons discuté avec des étudiantes qui avaient à cette occasion mobilisé un bon groupe de jeunes de leur école (l’IPSMA, Institut Provincial Supérieur des Sciences Sociales et Pédagogiques de Marcinelle).

Par Ben (Charleroi)

=> Site des Jeunes FGTB de Charleroi

Morgane : ‘‘Les mesures contre les chômeurs nous concernent directement en tant qu’assistantes sociales parce qu’on n’a pas envie de faire du contrôle. Au CPAS, ils ont mis en place un service contrôle, c’est vraiment aberrant, on n’est pas là pour ça : je pense qu’on a une formation sociale et pas une formation de policier. Ensuite, ce qui nous a le plus révolté, c’est qu’après 3 mois de chômage, on doit chercher un emploi dans un autre domaine que le nôtre, dans n’importe quel secteur. On n’a pas trimé pendant 3 ans pour être obligées à changer de secteur ! Et puis cette réforme aura des répercussions sur notre travail. Dans nos stages, chacun a, d’une manière ou d’une autre, déjà rencontré des difficultés par rapport à ces exclusions.’’

Laura : ‘‘Ne rien faire, ça voudrait dire d’accepter de travailler comme ça, d’accepter de mal travailler. En tant que travailleur social, travailler là-dedans, c’est du stress permanent, c’est avoir à traiter plus de 50 dossiers au CPAS, c’est illogique. On nous explique à l’école comment devenir de bons travailleurs sociaux et, finalement, c’est complètement l’inverse qui se passe dans notre société.’’

Aurélie : ‘‘Pour compléter, on a vraiment l’impression que ces mesures vont à l’encontre de nos valeurs et de celles apprises pendant notre formation de 3 ans. Moi, j’ai fait mon stage au CPAS et je trouve qu’il y a déjà trop peu de travailleurs pour s’occuper des bénéficiaires. Avec la nouvelle vague qui va arriver, je ne vois pas comment les travailleurs des CPAS vont pouvoir gérer ça.’’

Socialisme.be : Comment la mobilisation s’est-elle passée ?

Laura : ‘‘Tout a commencé par une discussion en classe. Un intervenant est venu pour discuter des mesures d’austérité qui allaient nous mettre en difficulté en tant que futurs travailleurs sociaux. Nous sommes en dernière année, on va donc être directement confrontés à cela.

‘‘On en a reparlé après sur le groupe facebook de la classe et une étudiante a pris l’initiative. Elle faisait justement son stage au CPAS, au service d’insertion professionnelle. Elle s’est dit qu’il fallait mettre quelque chose en place et la première idée a été d’organiser une marche blanche. Suite à ça, on s’est mises à trois à travailler là-dessus en parlant à notre directrice pour voir si c’était possible.

‘‘Nous avons envoyé un mail à notre professeur qui a été agréablement surpris et qui a fait venir un intervenant, Antoine Thioux, qui travaille aux Jeunes FGTB. Il nous a un peu plus expliqué la problématique et ce qu’on pouvait éventuellement faire.

‘‘On en a rediscuté entre nous, toujours à trois, et nous avons soumis à notre classe l’idée d’organiser la mobilisation pour la manifestation du 10 mars avec les Jeunes FGTB, mais en gardant notre indépendance. C’est comme ça qu’on a décidé de créer notre collectif : CRACS. Au début, on a organisé une séance d’information pour voir qui dans notre classe était motivé. Et vu que tout le monde l’était, on a fondé le collectif et on a décidé de faire nos propres tracts.’’

Aurélie : ‘‘Après, on a revu plusieurs fois Antoine. Il nous a expliqué comment mettre en place la manifestation, vu qu’on ne savait pas trop comment nous y prendre. Nous avons réalisé un fascicule qui expliquait pourquoi on participait à la manifestation, dans quel but et quelles étaient nos revendications.’’

Morgane : ‘‘Nos revendications, on les a faites tous ensemble. Mais après, on s’est divisé le travail. On s’est organisés par petits groupes de trois étudiants, on s’est divisés les classes et on en a fait le tour.’’

Laura : ‘‘Mais avant, il a fallu demander l’autorisation à notre directrice et ça n’a pas toujours été facile. On n’a pas vraiment eu le soutien de l’école, mais on a quand même pu diffuser l’information, mettre des affiches, etc. du moment qu’il n’y avait pas de connotation politique. Au départ, on voulait aussi envoyer un mail à l’ensemble des étudiants à travers le conseil étudiant, mais ce dernier a refusé parce que ça avait une connotation politique. Si on s’est rabattu sur les classes, comme l’a dit Morgane, c’est aussi parce qu’on n’a pas pu envoyer de mail à tous les étudiants.’’

Morgane : ‘‘La directrice ne voulait pas qu’on organise cette marche blanche. Elle disait qu’on avait notre TFE (travail de fin d’études) et beaucoup à faire pour réussir notre troisième année. Elle disait ; ‘‘pensez d’abord à votre troisième.’’ Mais nous, notre argument c’était ; ‘‘pourquoi terminer nos études si on n’a pas d’emploi après ? Ce n’est pas cohérent !’’

‘‘Donc, au début, on voulait organiser une marche blanche, mais on s’est vite rendu compte qu’on manquerait de temps pour l’organiser correctement. C’est pour ça qu’on a apprécié qu’Antoine nous dise que si la marche blanche n’était pas possible pour nous, on pouvait peut-être rejoindre la manifestation que la FGTB organisait le 10 mars, en tant qu’organisation indépendante. Et je pense que c’était notre plus grand souhait, de partir de ce qu’on savait, de ce qu’on voulait et de faire notre propre expérience. Au départ, c’est aussi un désir de collaboration avec les Jeunes FGTB parce qu’on n’avait aucun moyen financier. Quand Antoine nous a dit : ‘‘moi je peux vous aider, j’ai une expérience à partager mais vous pouvez rester indépendantes tout en faisant une collaboration’’, on a directement été partantes.’’

Socialisme.be : Vous connaissiez déjà les Jeunes FGTB avant ça?

Morgane : ‘‘Déjà en première année, parce qu’Antoine vient souvent en classe pour donner des informations au niveau du chômage. Puis en troisième, quand on a envoyé le mail à notre professeur, car il travaille au Mouvement Ouvrier Chrétien. C’est lui qui a fait venir Antoine. Il avait également fait la proposition aux Jeunes CSC, mais ils ne sont pas venus. Donc ça été Antoine notre personne de référence et la collaboration s’est très bien passée, je pense qu’il nous a été d’une grande aide.’’

Socialisme.be : Quel bilan faites-vous de tout ça ? Comment voyez-vous la suite ?

Morgane : ‘‘Moi la suite, je la vois avec les jeunes FGTB ! La première manifestation, ça a provoqué un déclic. Depuis le début, en première année, et je pense que mes copines vous le diront, je me suis politisée très à gauche, quitte à me disputer avec elles. J’étais un peu toute seule dans mon coin avec mes idées. Et ici, ça été le déclic, c’est vraiment ça que je veux faire, je veux me battre, je veux pouvoir agir dans mon environnement et ne pas subir les mesures. J’envisage donc positivement la suite aux Jeunes FGTB.’’

Laura : ‘‘Moi c’est pareil, j’ai été très satisfaite de la manifestation organisée par la FGTB. Même si on était indépendants au début, c’est vrai que j’ai vite rejoint les Jeunes FGTB parce que c’étaient les mêmes valeurs que celles qu’on prônait. Ce sont des valeurs de gauche et quand j’ai vu comment les choses se sont déroulées, le nombre de personnes présentes à la manifestation, etc., je me suis dit que c’était important de continuer sur cette ligne et de travailler avec les Jeunes FGTB pour d’autres manifestations, d’autres actions et, par la suite peut-être, de parvenir à une victoire. Même si la manifestation du 10 mars n’a pas été une réussite totale, j’espère que ce n’est que le début d’une plus grande lutte pour renforcer la gauche véritable.’’

Aurélie : ‘‘Moi je trouvais que la manifestation du 10 mars était vraiment très cohérente. Et on verra pour la suite, mais en tout cas, la philosophie des Jeunes FGTB me semble très proche de la mienne. Donc je vais m’affilier prochainement.’’

Morgane : ‘‘Et pour finir, on appelle tout le monde à participer avec nous à la manifestation du 4 avril !’’