Début février, le magasine féministe Axelle a publié un article sur les conditions de travail des femmes de ménages à l’ULB (du campus du Solbosch en particulier) : Une journée avec Anita, femme de ménage à l’ULB (1). Les problèmes rencontrés par le personnel de nettoyage du campus bruxellois découlent de la sous-traitance par l’université du partie de ses services.
Par les Etudiants de Gauche Actifs – ULB
Comme révélé dans l’article, la sous-traitance est encore aujourd’hui catastrophique pour le personnel (ultraflexibilité, manque de matériel…). Dans un premier temps, c’est la santé des travailleurs qui en pâtira. Mais aussi la qualité du travail. Pour ISS, voir qu’un de ses clients (un gros client en particulier) n’est pas satisfait de la qualité du travail, c’est prendre le risque de perdre le contrat l’année d’après. Plutôt que d’engager du personnel en suffisance et de fournir le matériel nécessaire, ce sont les travailleurs qui sont blâmés. En tout, ce sont 8 contrôleurs qui sont chargés de passer derrière le personnel du solbosch (4 engagés par l’ULB et 4 par ISS).
Début 2015, les pressions de ces brigadiers avaient menés un délégué syndical à l’hopital en raison d’une crise cardiaque. Heureusement, le personnel du solbosch a débraillé (2) en solidarité. Mais de tel problème n’étaient-ils pas prévisible par l’université ?
En décembre 2012, Martin Casier, vice-président de l’ULB, expliquait dans une interview pourquoi l’ULB recourt à la sous-traitance de plusieurs de ses services (3) : « Parce que ce n’est pas notre métier ! […] Une société de ménage qui fait 15.000 sociétés fait encore plus d’économies d’échelle. Ça revient à moins cher au mètre carré de sous-traiter et ça nous évite tout un suivi qui ne doit pas être fait en interne, ça permet de nous décharger de cette gestion du ménage. Mais on fixe un cahier des charges avec tout ce qui doit être fait et il y a un contrôle qui est effectué. »
Pour délivrer le contrat, l’ULB fait jouer la concurrence entre les entreprises. Le secteur du nettoyage est caractérisé par l’attribution de marché sur la base de l’offre la moins chère avec des prix clairement en-dessous des prix du marchés (4). Même la FENI (Fédération Européenne du Nettoyage Industriel) reconnaît le problème (5): « la plupart des répondants conviennent sans réserve que le fait de sélectionner les soumissions uniquement sur la base du prix entraîne les prix dans une spirale à la baisse »
Quand l’ULB fait des « économies d’échelle », c’est aux travailleurs de les payer. Comme le rappel Anita (6) : « ISS a proposé l’offre la plus basse pour pouvoir décrocher ce chantier en 2014. Le problème, c’est que l’ULB vient nous contrôler pour la qualité. Mais c’est impossible avec tout le travail qu’on a… »
Et ce n’est pas tout. Les travailleurs payent une deuxième fois pour la sous-traitance. Une fois le contrat signé, ces derniers sont soumis à une convention collective différente de celle de l’entreprise cliente. Anita expliquait d’ailleurs dans l’interview n’avoir même pas accès au tarif réduit à la cantine depuis qu’elle ne fait pas formellement partie du personnel de l’ULB. La cantine n’est pas le seul point négatif du changement de convention collective : non payement des frais de déplacement et des frais de nettoyage des vêtements de travail, suppression des primes, non payement des jours férié extralégaux (St-V entre autres)… En opérant ainsi, l’ULB divise aussi le personnel : une entreprise différente, c’est un syndicat différent. Cela met à mal la résistance collective face à un employeur commun.
Martin Casier évoque aussi ces fameux « contrôles » sur le cahier des charges imposés par l’ULB à ISS. Au vu des problèmes rencontrés par la délégation, on ne peut pas dire qu’ils soient du genre pointilleux, avec ISS en tout cas. Car pour contrôler le personnel, là on engage ! Dans la même interview, Martin Casier nous dit tout de même que, dans le cas particulier du nettoyage, l’ULB y gagnerait un peu en terme d’argent. Il est déjà intéressant de constater que le but de l’ULB n’est pas le service à la communauté mais d’être rentable. Mais alors, pourquoi ne pas réintégrer le personnel ? Car, selon lui, cela signifierait récupérer « tous les problèmes de gestion. » Des « problèmes de gestion » ? C’est comme cela qu’on appelle la flexibilisation des horaires et la précarisation des travailleurs maintenant.
Une université ne devrait pas brader ses campus aux plus offrants. EGA revendique un refinancement de l’enseignement à hauteur de 7 % du PIB.
La situation n’est pourtant pas nouvelle. Début 2000, le même personnel de nettoyage, alors employé par l’entreprise Adiclean, était rentré en lutte pour défendre un collègue abusivement licencié (7). Lors du Conseil d’Entreprise du 6 mars 2000, les syndicats était intervenu pour expliquer que c’était justement le sous-traitance qui avait permit le licenciement abusif (8).
La même année, un nouveau conflit permet de nous faire une meilleure idée de ces prétendus avantages à sous-traiter la gestion du nettoyage (9). A l’époque, Adiclean abusait du personnel au niveau de ses horaires. L’ULB avait alors engagé un semblant d’enquête pour établir les faits. L’enquête en question avait alors été placée sous la direction… d’un des responsables du nettoyage auprès d’ISS. Heureusement, le syndical de l’époque, Gauche Syndical, était immédiatement entrée en solidarité avec les femmes et hommes de ménages (10). Par contre, pour accuser Gauche Syndicale de tous les maux, l’ULB ne s’est pas faite attendre (11).
Dans les faits, la prétendue résolution de ces « problèmes de gestion » ne sent rien de plus que le néolibéralisme. ISS emploie près de 10000 travailleurs en Belgique et près d’un demi million mondialement (12). Leur apport ne réside pas dans la résolution des problèmes du personnel mais dans celui du CA de l’ULB. Depuis la sous-traitance, en cas de problème, l’ULB peut se dédouaner de toute responsabilité et jeter la balle à ISS, une multinationale qui pèsera plus lourd lors de conflits sociaux.
En Belgique, le nettoyage est le 6e plus gros secteur en ce qui concerne les femmes (13) et il emploi à hauteur de 65 % de personnel féminin. De plus, le secteur est le 2e plus gros impliqué dans la sous-traitance (derrière les agences d’interim, c’est dire) et nous pouvons encore rajouter que 68 % du personnel du secteur travail à temps partiel (14). Tout ceci prit en compte, les femmes sont ainsi particulièrement touchée par la précarisation liée à la sous-traitance. Et encore, c’est sans avoir abordé les nombreux problèmes de santé du secteur considéré comme un des plus dangereux (problème de dos, usage de produits corrosifs…). (15)
Il y a quelques années, nous écrivions « l’ULB ne sera vraiment démocratique que lorsqu’une femme de ménage pourra devenir Présidente de CA ou recteur. » Plus que jamais, EGA restera aux cotés du personnels qui a lui aussi désespérément besoin d’un refinancement de l’enseignement.
NOTES
(1) http://www.axellemag.be/journee-anita-femme-de-menage-a-lulb/)
(2) https://gauche.be/2016/05/ulb-greve-du-nettoyage-pour-defendre-les-delegues/
(3) http://lapige.be/2012/12/lulb-et-les-societes-privees/
(4) http://www.ulb.ac.be/socio/tef/revues/TEF%206-2.pdf
(5) FENI – Euro-Fiet, Rapport Pye-Tait, rapport de l’étude demandée par la FENI et Euro-Fiet sur les
aspects clés du nettoyage industriel en Europe, Octobre 1999, p. 52
(6) http://www.axellemag.be/journee-anita-femme-de-menage-a-lulb/
(7) http://www.ulb.ac.be/assoc/gs/documents/tracts/nettoyage/adiclean2.pdf
(8) http://www.ulb.ac.be/assoc/gs/documents/tracts/nettoyage/ce0.html
(9) http://www.ulb.ac.be/assoc/gs/documents/tracts/nettoyage/adiclean3.pdf
(10) http://www.ulb.ac.be/assoc/gs/documents/tracts/nettoyage/adiclean4.html
(11) http://www.ulb.ac.be/assoc/gs/documents/tracts/nettoyage/ce2.html
(12) http://www.annualreport.issworld.com/2016/
(13) http://www.ulb.ac.be/socio/tef/revues/TEF%206-2.pdf
(14) http://www.ulb.ac.be/socio/tef/revues/TEF%206-2.pdf
(15) http://www.ulb.ac.be/socio/tef/revues/TEF%206-2.pdf