Cette crise politique finira-t-elle un jour?

Un moment, il semblait bien que cela allait réussir. Les deux vainqueurs des élections – PS et N-VA – avaient ‘‘compris’’ qu’ils étaient condamnés l’un à l’autre et qu’un compromis devait être trouvé. Entretemps, la montagne a accouché d’une souris, les déclarations venimeuses s’échangent à nouveau dans la presse et toutes sortes d’alternatives possibles (et impossibles) sont passées au cribles. L’impasse paraît être totale.

La majorité de la population dans la tourmente

Depuis le milieu des années 1970, l’économie est aux prises avec des caractéristiques de dépression. Les illusions crées dans la période de croissance d’après-guerre (chaque génération vivrait mieux que la précédente,…) se sont effondrées et tous les éléments conduisant à des divisions ont commencé à prendre de l’ampleur. Concernant la question communautaire, cela a surtout signifié que les tensions ne pouvaient plus être achetées en jetant à l’un protagoniste où l’autre un os savoureux. D’une période de quasi plein-emploi fin des années ’60, où la norme était un emploi à temps plein avec un contrat fixe, nous sommes arrivés à une période de chômage structurel, où constamment plus d’emplois ne sont qu’à temps partiel et temporaires. Le professeur Pacolet du HIVA (Institut supérieur du Travail, de l’université catholique de Louvain) a déjà prouvé qu’entre le milieu des années ’70 et aujourd’hui, strictement aucun emploi n’a été créé si le calcul est effectué en équivalents temps plein.

 

Des partis traditionnels en perte d’autorité

La classe dirigeante et ses instruments politiques n’ont apporté aucune réponse face à cette situation. Dans les années ’80, on a demandé à la population de se serrer la ceinture et de d’attendre patiemment la sortie du tunnel. Mais à chaque fois, le bout du tunnel s’est révélé n’être qu’un bref intermède avant de replonger à nouveau dans un autre tunnel.

Les partis traditionnels ont été impliqués jusqu’au cou dans l’organisation de la casse sociale et la responsabilité ne tombe pas seulement sur les épaules des partis de droite et de centre-droit (libéraux et chrétiens-démocrates) mais aussi, et dans une large mesure, par la famille social-démocrate, même si le PS s’est bien mieux caché derrière ‘‘la droite’’ ou ‘‘les partis flamands’’.

Dans une telle situation, où les deux classes fondamentales de la société n’offrent aucune issue (la bourgeoisie et la classe des travailleurs) et où tous les instruments traditionnels de la bourgeoisie sont discrédités, la voie est libre pour la montée de partis populistes offrant des ‘‘solutions’’ semblant plus évidentes en jouant sur toutes les divisions possibles et imaginables. Dans les années ’80, le Vlaams Belang a commencé à percer en jouant la carte du racisme, qui pouvait croître sur base de la concurrence toujours plus grande pour les emplois, les logements sociaux,…

Aujourd’hui, en Flandre, c’est la N-VA qui réussit le mieux à attirer les votes anti-establishment. Leur histoire à eux, c’est que ‘‘les flamands’’ seraient bien mieux s’ils ne devaient pas ‘‘payer pour la Wallonie et Bruxelles’’. Le programme de la N-VA ne défend cependant que les intérêts des petits patrons flamands, qui souhaitent contribuer encore moins qu’aujourd’hui à la sécurité sociale et aux impôts.

 

Est-ce qu’on peut encore sortir de l’impasse?

Dès le début de la Belgique, des différences existaient entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles. La discrimination fait partie intégrante de notre histoire nationale, aussi avec la petite communauté germanophone. Les modifications des relations de force entre régions ont régulièrement conduit à des crises nationales. La montée de la Flandre a été récupérée dans l’Etat belge par le développement d’un système de division de pouvoir, systématiquement adapté et affiné avec une nouvelle réforme d’Etat. Nous sommes de nouveau devant une telle adaptation. Mais la marge de manœuvre budgétaire, extrêmement réduite après plus de trente années de dépression et de politique néolibérale, rend cet exercice encore plus difficile à réaliser.

Le PS ou la N-VA vont-ils réussir à réaliser une réforme d’Etat et à constituer un gouvernement ? La question est en fait celle-ci : la bourgeoisie belge réussira-t-elle encore une fois à trouver un nouvel équilibre ? Cela dépend de la volonté de la N-VA à servir la bourgeoisie belge avec à la clé des carrières, de hautes fonctions et encore plus de pouvoir pour les autorités locales. D’un côté, nous avons tendance à répondre par l’affirmative au vu du caractère de droite de la N-VA. La dernière chose qu’elle souhaite, c’est la mobilisation de ce ‘‘peuple flamand’’ qui risque bien, une fois mobilisé, de rester mobilisé pour de plus hauts salaires et de meilleures conditions de vie et de travail, pour des allocations sociales plus élevées et pour une meilleure sécurité sociale, pour des services publics de bonne qualité et pour toutes sortes d’autres revendications qui vivent parmi la classe ouvrière flamande (et qu’elle a en commun avec ses collègues bruxellois, wallons, germanophones ou encore français, allemands,…).

D’un autre côté, le parti de De Wever reste un projectile sans tête chercheuse. Mais si la N-VA refuse de conclure un accord, la riposte de la bourgeoisie va arriver de toutes parts. Finis donc les bons articles dans la presse ou les invitations pour des émissions comme ‘‘De Slimste Mens’’ (une émission télévisée dans laquelle Bart De Wever a fait sensation), finies les tentatives de charme. Mais le problème est que la bourgeoisie, en Flandre, ne dispose plus d’instruments capables de récupérer les votes qui quitteraient la N-VA. Le risque serait grand de voir le Vlaams Belang en reprendre une bonne partie, malgré leurs problèmes rencontrés ces dernières années.

La seule manière de sortir de l’impasse est qu’une des deux classes fondamentales composant la société offre une issue: soit par la création d’un nouveau parti des travailleurs apte à canaliser la force de la classe ouvrière, soit parce que la bourgeoisie réussit à faire payer la crise au reste de la population et à donner le coup de grâce à ce qui reste de ‘‘l’Etat providence’’.

 

Et maintenant on fait quoi?

Le nombre de discriminations au sein de la structure belge grandit sans cesse, tout comme les harcèlements envers les minorités nationales (ex. les minorités francophones et néerlandophones dans les communes à facilités). C’est la base matérielle – avec les partis traditionnels séparés, l’enseignement séparé, les médias séparés,… – pour la résurgence de sentiments nationalistes. Ainsi, le climat est tendu dans tout un nombre de communes à Hal-Vilvorde.

La bourgeoisie ne veut pas la scission de la Belgique, mais elle ne dispose plus d’instrument en Flandre pour essayer de stopper la montée électorale des forces petite-bourgeoises et flamingantes. A long terme, il est exclu que la Belgique reste unifiée sous le capitalisme, un système où un développement socio-économique harmonieux de toutes les régions n’est pas possible. Mais la scission de la Belgique n’offrirait aucune solution pour les problèmes de la majorité de la population, seule la chute du système capitaliste pourrait le faire.

Le PSL pense qu’à court terme, le scénario le plus probable est toujours la formation d’un gouvernement ‘calque’ (reproduisant les coalitions régionales), où le PS aurait la tâche de brider la N-VA et de lui brûler les ailes au pouvoir. D’un autre côté, il y a toujours plus d’éléments qui semblent démontrer que la N-VA ne se laisse pas entraîner dans ce jeu. Dans ce cas, l’attente risque d’être longue et la pression d’une nouvelle crise financière, les pressions économiques internationales,… causeraient bien des dégâts à la N-VA et forcerait à parvenir d’urgence à un gouvernement d’unité nationale.