Le capitalisme nuit gravement à la santé. Une campagne bienvenue de la FGTB wallonne. Mais comment la faire aboutir ?

Cette campagne anticapitaliste, à l’initiative de la FGTB wallonne, a le mérite de stimuler le débat sur l’alternative nécessaire à construire contre le capitalisme. Comme on peut le lire sur le site de la campa-gne www.contre-attaque.be ainsi que sur les tracts: « Aujourd’hui, libéralisme et capitalisme ont un genou à terre. C’est le moment ou jamais de contre-attaquer pour les empêcher de nuire à nouveau. » Le tout étant de savoir comment…

Derrière les slogans

ntendre des phrases comme celle-ci ou le nom de la campagne, il ne s’agit pas pour la FGTB wallonne de proposer une autre société, en rupture avec le capitalisme et sa logique. Les propositions, fort diverses, vont plutôt dans le sens d’une forte régulation du système. Thierry Bodson, le secrétaire général de l’interrégionale wallonne de la FGTB, a d’ailleurs déclaré en ce sens : « Je ne plaide pas pour l’instauration d’une économie planifiée. Mais il faut que la machine économique soit nettement plus régulée. » (La Libre, 26.02.09).

Le PSL se retrouve pleinement dans plusieurs revendications comme la réduction massive et collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire, la nationalisation de secteurs stratégiques (comme l’énergie), l’annulation inconditionnelle de la dette des pays du Tiers-Monde,… Nous sommes cependant étonnés, surtout après ces derniers mois, de voir que le secteur financier est exclu des secteurs stratégiques à nationaliser. Son rôle central n’est pourtant pas à démontrer.

Nous ne sommes pas contre d’autres revendications portées par cette campagne comme la « traçabilité » des flux financiers internationaux, la mise sur pied d’autres indicateurs que le PIB pour mesurer la création de richesses ou encore le contrôle des publicités mensongères à propos des produits financiers. Mais ces mesures, en acceptant de laisser une part non négligeable du contrôle de la société dans les mains des capitalistes, cherchent à concilier des intérêts aussi diamétralement opposés que ceux des travailleurs et ceux de la bourgeoisie.

Sur base de la force du mouvement ouvrier et syndical, il n’est pas impossible de réguler – jusqu’à un certain point – l’économie capitaliste. Mais lorsque l’attention et la mobilisation des travailleurs diminuent, les capitalistes peuvent reprendre d’une main ce qu’ils ont été forcés de concéder de l’autre. Pour consolider ces acquis, il est donc essentiel que les travailleurs – ou au moins une couche la plus large possible de ceux-ci – voient que les luttes pour des réformes font partie d’une lutte plus globale pour une autre société, qui serait gérée par ceux qui produisent les richesses et pour satisfaire leurs besoins.

Reste à voir comment efficacement organiser les forces pour une offensive sérieuse contre le système capitaliste. Nombreux sont ceux qui subissent toujours les effets de la pression idéologique du néolibéralisme, ceux pour qui les mots d’ordre anticapitalistes sont considérés comme issus de groupes de fous furieux. Il est donc particulièrement important de réfléchir à la manière de lier au quotidien, au concret immédiat, les revendications qui remettent en cause le capitalisme. Personne ne veut quand même que les radicaux se retrouvent isolés en conséquence de slogans à la fois vagues et trop éloignés de la conscience généralement présente parmi les masses ?

 

Sur qui faire pression ?

Lors d’une interview dans une émission Matin Première de la RTBF radio, le journaliste a demandé à Thierry Bodson s’il désirait avoir en Belgique un parti comparable au NPA français d’Olivier Besancenot, aux revendications forts proches de celles de cette campagne. La réponse a été navrante sans toutefois créer de surprise: « (…) Je pense que ce qu’il faut pour une organisation syndicale comme la FGTB, c’est réussir à peser de tout son poids sur les partis politiques qui existent aujourd’hui à gauche et, à ce niveau-là, on constate que, la crise aidant, on a parfois une oreille un peu plus attentive, en effet, de la part du Parti socialiste et même d’Ecolo, que ce qu’on a eu par le passé et notamment par rapport aux propositions qui sont faites ici… »

Ces partis ont pourtant déjà, à de nombreuses reprises et durant des années, clairement affiché de quel côté ils sont dans la lutte des classes. S’ils semblent maintenant prêter attention à des revendications plus radicales, ce n’est en rien surprenant: l’opinion publique change et leur électoralisme les pousse à adopter d’autres postures. Mais, concrètement, le PS et Ecolo sont-ils capables de refuser de participer à un gouvernement de casse sociale ? Sont-ils prêts à mettre leurs fauteuils ministériels en jeu pour exiger de la direction de La Poste qu’elle utilise ses profits non pas pour satisfaire les actionnaires, mais pour accorder à la population un service de qualité fourni par des travailleurs disposant de conditions de salaires et de travail décentes ? La grande loyauté de certains syndicalistes envers les partis de la gauche gouvernementale est traînée dans la boue de façon abjecte, précisément par ces mêmes partis. Obtenir un relais politique pour les luttes passe, en Belgique aussi, par la construction d’un nouveau parti des travailleurs.

S’il faut faire pression avec cette campagne, par contre, c’est sur les syndicats eux-mêmes ! La réaction des directions syndicales face à la crise actuelle est véritablement affligeante dans notre pays. En France, fin janvier, il y a eu environ 2,5 millions de travailleurs dans les rues contre la crise pour une grève nationale qui a obtenu un soutien de plus de 70% parmi la population. La journée du 19 mars a rassemblé plus de monde encore (3 millions) avec un soutien accru. Chez nous, il y a eu un rassemblement contingenté (!) d’un millier de syndicalistes devant la Bourse à Bruxelles… On parle d’une mobilisation pour la manifestation de la Confédération Européenne des Syndicats à Bruxelles le 15 mai. Tout doit être fait pour que celle-là soit sérieuse.

Autre point d’importance encore : voir comment transformer cette campagne wallonne en une campagne nationale. Si les autres régionales refusent de rejoindre l’initiative de la FGTB wallonne, des délégations syndicales en Flandre et à Bruxelles pourraient constituer des relais. Car, comme le dit le slogan de la FGTB : « Ensemble, on est plus forts ! »

 

Seule la lutte paie

La volonté des travailleurs d’arrêter de subir les coups ne manque pas, le potentiel est là pour une riposte. Comme on peut le lire sur le tract de la campagne : « Partout en Europe et dans le monde, la crise ravive des mouvements de contestation de ce modèle qu’on pensait incontournable. » Même une dictature comme la Chine est confrontée à des mouvements sociaux de masse. On voit ressurgir des méthodes de lutte inutilisées depuis longtemps telles ces grèves avec occupation d’usine qui se sont déroulées en Ukraine, aux Etats-Unis, en Irlande, en Ecosse et même en Belgique.

Chaque grève recèle en elle la contestation d’une parcelle du pouvoir capitaliste. Un piquet de grève, par exemple, peut contester au patron le pouvoir de faire entrer qui il veut dans « son » entreprise, de même qu’il remet en question l’idéologie bourgeoise selon laquelle seuls le travail pour un patron et l’acceptation quotidienne de l’exploitation permettent de vivre. Qu’une grève prenne de l’ampleur (d’une grève démarrant dans une entreprise à une grève locale ou nationale, durant plusieurs jours,…) et la force de cette contestation augmente d’autant, jusqu’à poser la question cruciale : qui est le maître à l’usine, dans l’économie et dans l’Etat : les travailleurs ou la bourgeoisie ?

Il ne s’agit pas seulement ici de préparer l’affrontement contre la société capitaliste, une nouvelle société est, elle aussi, en germe dans ces luttes. Au fur et à mesure de l’approfondissement d’un tel conflit social, les tâches des comités de grève se développent pour arriver véritablement à une situation de double pouvoir, une situation où à côté de l’Etat bourgeois surgit un embryon de nouvel Etat, basé sur les assemblées de travailleurs et leur action. C’est de ce dernier que pourra naître une société enfin débarrassée de l’exploitation et de l’oppression, une société socialiste démocratiquement planifiée et basée sur l’auto-organisation des travailleurs et de la population.