En Afrique, la famine est véritablement catastrophique, et les appels ne manquent pas pour soutenir l’aide humanitaire livrée par diverses ONG. Si la solidarité démontrée par tant de personnes est tout à fait louable, il est important de tenter de voir un peu plus loin : d’où provient cette famine ? Que peut-on faire, fondamentalement, au-delà d’une aide ponctuelle ? Voici ci-dessous un article de Paul Murphy, Parlementaire européen du Socialist Party.
Les organisations humanitaires préviennent que la famine actuelle dans la Corne de l’Afrique est la pire depuis plus de 20 ans. Chaque jour, environ un millier de personnes fuient la Somalie pour tenter d’échapper à la faim. La sécheresse et les mauvaises récoltes constituent à n’en pas douter une des causes de cette catastrophe, mais cette dernière ne s’aggraverait pas à ce point sans l’impact de la spéculation sur les marchés alimentaires. Pourtant, l’Union Européenne et les divers pays européens laissent les spéculateurs en paix.
Au Kenya, en un an seulement, le prix du maïs a augmenté de 160% et celui du blé de 169%. Dans le sud de la Somalie, le prix des grains a augmenté de 240% par rapport à l’an dernier. L’ampleur de ces hausses de prix dépasse même ceux connus durant la crise alimentaire de 2007-2008. La spéculation sur les récoltes à venir est un facteur déterminant de cela. Maintenant que de grands spéculateurs comme Goldman Sachs et Merrill Lynch ne savent plus spéculer sur l’immobilier, ils se sont jetés sur un nouveau marché. On estime que le groupe financier Barclays PLC a réalisé cette année 340 millions de livres de bénéfices sur base de la spéculation sur les prix de la nourriture. Entre 70 et 80% du commerce mondial de produits alimentaires sont des activités purement spéculatives.
En avril, lors d’une réunion de la Commission du commerce international du Parlement européen, j’ai demandé à M. De Gucht (commissaire européen au commerce) : “La Commission entend-elle faire quelque chose concernant la spéculation sur les denrées alimentaires?” De Gucht a répondu de façon très vague, le message étant que rien ne sera fait.
Cette nouvelle flambée de spéculation due à la cupidité sans limite des géants financiers signifie que nous allons tous inévitablement payer notre nourriture plus chère. Le silence des politiciens traditionnels dans ce domaine doit être brisé et il faut empêcher les spéculateurs de jouer avec notre alimentation.
Des cultures de première nécessité n’ont rien à faire sur les marchés à terme. Si l’Union Européenne veut réellement faire quelque chose au sujet de la faim en Afrique, elle doit impérativement interdire la spéculation sur l’alimentation.