Le mouvement des Indignados, sous le slogan principal : ‘‘Nous ne sommes pas des marchandises dans les mains des politiciens et des banquiers’’, a illustré tant la colère présente que le refus de payer leur crise. Ce mouvement exprime aussi que cette génération sans avenir développe un sentiment anticapitaliste.
La crise a eu un effet dévastateur en Espagne et le malaise est évident. Les retraites ont été augmentées de 65 à 67 ans, les services publics ont vu leurs budgets rabotés, les banques ont commencé à exproprier des familles incapables de rembourser leurs hypothèques, 40% des jeunes sont au chômage (il y a 4,9 millions de chômeurs au total), la nouvelle Réforme du Travail attaque durement les conditions déjà précaires de tous les contrats de travail et a augmenté la flexibilité. Parallèlement, des dizaines de candidats du PSOE (sociaux-démocrates) et du PP (droite officielle) sont accusés de corruption ou de crimes divers. Les gens savent à ce à quoi ils s’opposent et sont à la recherche d’une alternative. Les Indignados : un mouvement plein de potentiel.
Ce mouvement, premièrement inspiré par les révolutions en Egypte et en Tunisie, a eu à son tour un impact sur la scène internationale. Les assemblées populaires sur les places de villes et de villages se sont multipliées, dans des pays aussi divers que la Grèce (où le mouvement est très massif) ou Israël.
Le 19 Juin dernier, journée internationale de mobilisation à l’appel des Indignados, une nouvelle étape a été franchie avec des manifestations massives (275.000 personnes à Barcelone, 150.000 à Madrid,…) contre le Pacte de l’euro, un accord entre gouvernements européens qui suppose plus d’austérité, de coupes budgétaires et de réformes du travail pro-patronales. Cela, en plus du mouvement contre les expulsions de maisons, représente un puissant instinct au sein des Indignados pour faire appel à la classe ouvrière et unir tous ceux qui souffrent de la dévastation économique.
Les occupations de la Puerta del sol (Madrid) et de Plaça Catalunya (Barcelone) ont été levées afin d’enraciner la contestation plus en profondeur dans la société en s’orientant vers les assemblées populaires des quartiers. Cela peut constituer un sérieux pas en avant, en impliquant des couches plus larges de travailleurs et de jeunes. Jusqu’ici, les diverses assemblées ont regroupé des centaines de personnes mais leur élargissement et la reprise du mouvement à la rentrée est un solide défi.
Le mouvement n’est pas homogène, mais les voix favorables à la grève générale se font plus nombreuses. Durant la manifestation du 19 juin à Barcelone, par exemple un calicot clamait en tête de cortège ‘‘vers une grève générale’’. Plaça Catalunya, dès le début du mouvement, une Commission Grève Générale défendait qu’il faut bloquer l’économie et étendre la lutte dans les lieux de travail pour remporter la victoire. Cette commission s’est développée depuis lors et s’appelle dorénavant la ‘‘Coordination Nationale du 15-M (Mouvement 15 Mai) vers une Grève Générale’’. Tout en comprenant bien le rôle de frein des directions syndicales, elle s’adresse aux organisations de travailleurs pour entrer en contact avec la base des syndicats en défendant que le mouvement doit également développer des assemblées dans les entreprises.
Mais il existe des opinions contraires dans le mouvement, ce qui se reflète avec le slogan pour le 15 octobre (la nouvelle journée internationale de mobilisation) ‘‘pour un changement global’’. Ce slogan est flou et, en étant moins concret, représente un pas en arrière vis-à-vis du 19 juin. Ce n’est pas une bonne approche pour élargir le mouvement à la classe des travailleurs. Derrière cela se pose la question du besoin crucial d’un fonctionnement réellement démocratique au sein du mouvement, car il est aussi incorrect que dangereux que de tels slogans – destinés à représenter le mouvement dans son ensemble – soient décidés par un petit groupe de personnes non élues imposant leur décision par internet. Il est primordial de se diriger vers l’élection démocratique de représentants des assemblées des barrios (quartiers) destinés à siéger à des assemblées de coordination de ville, qui doivent à leur tour envoyer leurs représentants à une assemblée nationale, en toute transparence et avec le droit de révoquer et de remplacer ces élus à tout moment. La démocratie réelle, c’est l’abolition du capitalisme !
Les revendications officielles comprennent de très bonnes choses, contre la réforme des pensions et celle du travail, pour que les politiciens ne reçoivent pas plus que le salaire moyen de la population, contre le renflouement des banques et pour la nationalisation des banques en difficulté, pour la diminution du temps de travail sans perte de salaire, contre les expropriation et pour plus de logements sociaux, pour taxer les grosses fortunes, pour des services publics de qualité,… Souvent, ces revendications vont d’ailleurs bien plus loin lors des assemblées.
Mais toutes ces exigences sont impossibles à réaliser dans ce système basé sur la logique de profit. Seule une rupture fondamentale avec le capitalisme et l’instauration d’une alternative démocratique pour contrôler les richesses et les secteurs clés de l’économie peuvent réellement vaincre les coupes budgétaires et réaliser concrètement une démocratie réelle, à partir d’un gouvernement des travailleurs et des jeunes, c’est-à-dire une alternative socialiste.