Le Traité de Lisbonne est passé, mais ce n’est pas une approbation de ce gouvernement détesté

Une majorité significative de 2 tiers a fait passer le Traité de Lisbonne, annulant ainsi la décision de juin 2008, quand les électeurs irlandais avaient rejeté le traité à approximativement 55% contre 44%. Il est clair que la crise économique a joué pour faire changer l’opinion en faveur du ‘oui’. Les gens ont cru que le Traité pourrait améliorer les perspectives de reprise économique en Irlande. L’an dernier, Lisbonne avait été repoussé parce que les gens craignaient les conséquences des changements qu’elle apporte à l’Union Européenne et en raison de leur méfiance face à l’establishment politique. Cette fois-ci, pour une majorité, le Traité et son contenu étaient secondaires vis-à-vis de la crise économique.

Kevin McLoughlin, Socialist Party (CIO-Irlande)

 

Les patrons et l’establishment mobilisent pour le ‘oui’

L’establishment politique et patronal n’a pas lésinné sur les moyens, avec une campagne bien préparée et bien financée et en ayant recours à la carotte («oui à l’emploi», «oui à la reprise»), mais aussi au bâton (des menaces selon lesquelles un deuxième rejet du Traité de Lisbonne conduirait à un désastre économique). Comme Joe Higgins, le parlementaire européen du Socialist Party (CIO-Irlande), l’a déclaré: la peur était au coeur de la campagne du ‘oui’.

On a répandu l’idée que les cadres supérieurs des multinationales (aux profits gigantesques) étaient déjà à l’aéroport de Dublin, leurs valises faites, prêts à se sauver en cas d’une nouvelle victoire du ‘non’. Dans une entreprise après l’autre, les patrons sont intervenus, par email et directement, pour appeler leurs travailleurs à voter ‘oui’. L’équilibre dans les médias a été on ne peut plus rompu, 65% des articles concernant Lisbonne plaidant pour le ‘oui’ durant la dernière semaine de campagne, contre seulement 15% pour le ‘non’.

La campagne du ‘oui’ a joué sur l’idée qu’un rejet de Lisbonne mettrait l’Irlande à l’écart de l’UE, le gouvernement a joué sur l’hypothèse d’une Union Européenne à deux vitesses avec l’Irlande à l’extérieur. Étant donné que plus de 70% des gens croient que l’Irlande est économiquement plus forte au sein de l’UE, en plus de la crainte que la crise économique empirera, il est compréhensible qu’une majorité de la population ait décidé de voter ‘oui’.C’est assez ironique de remarquer que les responsables de la crise économique, les milieux d’affaires et l’établissement politique capitaliste d’Irlande et d’Europe, aient pu instrumentaliser la crise pour faire passer le Traité de Lisbonne.

Quelques parallèles peuvent être faits avec les élections générales de 2007 en Irlande. Bon nombre de personnes y avaient voté pour le Fianna Fail (le principal parti au pouvoir) en absence de véritable alternative, en espérant qu’en votant pour le même gouvernement, il était possible de maintenir la croissance économique. Le soutien pour le Fianna Fail est depuis lors tombé sous le plancher, à des niveaux historiquement bas. Maintenant, plus de 80% des gens désapprouvent ce gouvernement détesté. De la même manière, la base pour ce vote ‘oui’ disparaîtra.

Cela deviendra une victoire à la Pyrrhus pour l’establishment. Lisbonne ne facilitera aucune reprise économique en Irlande ou ailleurs. En fait, ce Traité sera employé pour inciter les gens du commun à payer le prix lourd pour la crise au cours des années à venir. Les mensonge sur cette fameuse reprise économique combinés aux méthodes d’intimidation de la campagne du ‘oui’ reviendront pour hanter l’establishment et approfondir la colère dans la société.

Qu’un tiers d’électeurs ait rejeté le Traité une seconde fois est aussi un élément significatif, étant donné l’énorme campagne que l’establishment a menée, avec le soutien du parti travailliste et d’une majorité des dirigeants syndicaux. Les études illustrent que le soutien au ‘oui’ chez la bourgeoisie et les couches les plus riches de la société était de 90%. En revanche, parmi la classe des travailleurs, le sentiment était double, mais dans beaucoup d’endroits, de grandes majorités ont à nouveau rejeté Lisbonne. Les travailleurs qui ont voté ‘oui’ l’ont fait avec peu d’enthousiasme et sans diminuer leur opposition au gouvernement.

 

Le rôle clé du Socialist Party

Concernant le Traité lui-même, le thème le plus important était probablement la question des droits des travailleurs. Ceci reflète l’opposition qui existe face aux attaques contre les emplois, le salaire et les conditions de travail, mais c’est également un compliment pour le rôle joué par le Socialist Party et en particulier pour notre parlementaire européen, Joe Higgins. Joe était le dirigeant le plus décidé et le plus efficace de la campagne du ‘non’. Le Socialist Party a très fortement milité avec des milliers d’affiches et plus d’un demi-million de tracts abordant la défense des droits des travailleurs, des droits démocratiques, des services publics et en opposition au militarisme.

Quelqu’ait pu être le résultat de Lisbonne en tant que renforcement de la mainmise du monde des affaires, cela peut être surmonté en mobilisant la puissance de la classe ouvrière contre les attaques sur l’emploi, les salaires et les services publics. Lors des inévitables luttes à venir, la nécessité d’une véritable alternative à la crise et au capitalisme deviendra beaucoup plus claire pour beaucoup de gens. Cela créera d’énormes occasions pour construire un soutien large pour une une alternative socialiste.