Obama sera-t-il à la hauteur ?

L’élection du premier président «afro-américain », dans un pays dont l’histoire est marquée par le racisme, la ségrégation et l’esclavage, a éveillé les espoirs d’une large couche de la communauté noire. Surfant sur une opinion publique massivement hostile à la guerre en Irak et sur une crise économique qui a jeté le discrédit sur les politiques néo-libérales menées durant les années Bush, les accents « progressistes » du discours d’Obama ont fait mouche.

Obama arrive pourtant au pouvoir avec en toile de fond la plus profonde crise économique que le capitalisme ai traversé depuis 1929, ce qui l’a rapidement forcé à dilapider l’essentiel de ses promesses électorales : il a prévenu que le système d’assurance-santé pour tous ne serait pas pour cette année. Surtout, face à l’hécatombe qui frappe le marché du travail (2,6 millions d’emplois ont disparu en 2008), ces promesses en termes de création d’emplois paraissent bien dérisoires. Avant d’être élu, il parlait de créer 5 millions d’ emplois. Une fois au pouvoir, le chiffre était retombé à 3 millions . C’est de la « sauvegarde » de 3 millions d’emplois dont il s’agit à présent…alors que le nombre officiel de chômeurs avoisine déjà les 11 millions !

 

Sauver le capitalisme américain, sur le dos des travailleurs

Obama a décidé de plafonner la rémunération des banquiers à 500 000 dollars. Cette mesure ne s’applique pourtant pas à ceux qui ont bénéficié du plan de sauvetage de Bush, comme les dirigeants de Merryll Linch qui ne seront pas contraints de revenir sur la distribution des 4 milliards de dollars qu’ils s’étaient accordés avant que leur banque soit absorbée par la Bank of America. De plus, les limites imposées ne concerneront pas les dividendes et elles seront levées lorsque les prêts de l’Etat auront été remboursés. Il ne s’agit pas, a déclaré Obama, d’une « prise de contrôle par l’Etat. L’initiative privée suivra son cours mais il faudra rendre des comptes et se montrer responsable».

La notion de “sacrifice” est centrale dans les discours d’Obama : ce dernier se prépare à faire payer la crise sur le dos des travailleurs et des couches pauvres de la population. Le nouveau paquet de sauvetage de près de 800 milliards de dollars va tout au plus atténuer les effets de la crise, mais ne permettra pas d’enrayer la vague de fermetures d’entreprises et de licenciements de masse qui accompagnent la récession. Dans ce plan de relance, 40% des fonds seront destinés à de nouvelles baisses de taxes pour les entreprises et les classes moyennes. Au-delà de l’inefficacité avérée de telles mesures pour relancer l’économie, Obama montre par là sa volonté de tendre la main aux Républicains dans un objectif de réconciliation bipartisane ; le Washington News commentait récemment : “Le président élu propose des baisses de taxes qui pourraient faire rougir George W. Bush”…

Le plan de relance d’Obama est avant tout destiné à sauver le capitalisme américain de la faillite, et non un plan destiné à venir en aide aux travailleurs et à leurs familles. Le déficit budgétaire pour l’année 2009 est estimé à 1,2 trillions de dollars (8,3 % du PIB) avant même la mise en oeuvre du plan de relance. Il est clair que, d’une manière ou d’une autre, ces dettes gigantesques vont devoir être repayées par la collectivité à un stade ultérieur, tandis que les capitalistes et les gros actionnaires continueront de s’octroyer de généreux profits.

 

Obama : question de race ou question de classe ?

Obama se profile habilement comme un successeur de figures historiques du mouvement noir comme Martin Luther King. De nombreux commentateurs nous présentent aujourd’hui l’élection d’Obama comme la réalisation du « rêve américain » et annoncent l’avènement d’une société « postraciale ». Pourtant , la politique réactionnaire d’une Condoleeza Rice ou d’un Colin Powell dans l’ancienne administration Bush illustrent que le racisme et l’oppression des noirs ne diminueront pas par la simple arrivée au pouvoir d’un président de couleur. Sarkozy a utilisé la même technique en insérant trois ministres « d’ouverture » dans son cabinet (Rahcida Dati, Fadela Amara et Rama Yade). Ce gouvernement continue néanmoins ces politiques d’austérité contre les acquis sociaux, une répression accrue contre les jeunes des quartiers populaires, les sans-papiers et le droit de grève.

La population noire et immigrée traverse une situation sociale dramatique. Premières victimes de la crise, les noirs américains subissent de plein fouet le chômage de masse (l’an dernier, 20.000 noirs ont perdu leur emploi rien que dans le secteur automobile) et les expulsions de logement dues à la crise immobilière. Aujourd’hui, un adulte afro-américain sur quinze est en prison, et les discriminations contre les immigrés sont toujours aussi nombreuses que par le passé. Une enquête officielle provenant du FBI illustre même que les attaques et discriminations à caractère raciste ont tendance à augmenter dernièrement. La répression policière contre les jeunes afroaméricains nous a été rappelée par le récent meurtre d’un jeune afro-américain par un agent de la BART (la police des transports) à Oakland le soir du nouvel an.

La pauvreté énorme de nombreux quartiers aux Etats-Unis et les incessantes discriminations touchant la population noire et immigrée ne pourront être combattue que par une lutte commune des travailleurs et des jeunes de toutes les origines pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, et contre le capitalisme, qui se nourrit de la division et des problèmes sociaux. Telle est la principale leçon du mouvement pour les droits civiques. Cette leçon, Obama ne l’a pas faite sienne, enfermé qu’il est dans une logique capitaliste, et voulant transcender les divisions sociales au nom de « l’unité de la nation ».

 

Vers une ère de paix ?

Obama a été porté au pouvoir grâce notamment à son positionnement contre la guerre. La promesse de retrait des troupes du bourbier irakien dans les 16 mois a été un élément-clé pour remporter les primaires démocrates contre Hillary Clinton. La réalité est bien moins réjouissante, comme l’atteste la confirmation au secrétariat à la défense de Robert Gates, l’un des principaux va-t-en guerre de l’ancienne administration.

La situation irakienne ne demande plus un tel contingent militaire car les intérêts américains en Irak sont maintenant protégés par le gouvernement fantoche mis en place par les USA. Cependant, la « sécurité » en Irak reste extrêmement précaire, et le plan de retrait reste conditionné à une évolution sur le terrain qui laisse supposer que non seulement un retrait rapide et unilatéral est tout sauf probable (les 16 mois se sont déjà transformés en 23 mois), mais laisserait en outre derrière lui un pays dévasté et en proie à des tensions explosives. L’objectif de doubler les effectifs militaires en Afghanistan permet lui aussi de nuancer les volontés « pacifistes » d’Obama.

Le coup médiatique sur la fermeture de Guantanamo ne peut cacher les dizaines d’autres prisons sans droits éparpillées dans le monde comme Bagram en Afghanistan ou Diego Garcia, un territoire britannique situé dans l’océan Indien. Les ordres signés par Obama ne remettent pas en cause la procédure connue sous le nom d’« extradition extraordinaire », par laquelle les Etats-Unis ont, durant les années Bush, kidnappé des présumés terroristes et les ont envoyés dans des pays étrangers ou des prisons secrètes de la CIA pour les torturer. Le président ne s’est toujours pas expliqué non plus sur ce qu’il comptait faire avec le Patriot Act 1 et 2, qui limite les libertés individuelles au nom des lois anti-terroristes.

Quant au conflit israélopalestinien, les seules prises de position publiques qu’Obama a prises sur le sujet visait à assurer son soutien inébranlable à la sécurité d’Israël, tout en ne soufflant mot sur l’occupation et les bombardements à Gaza. On se souvient également de son plaidoyer devant une association de lobby pro-israélienne aux USA, pour que Jérusalem devienne la “capitale indivisible d’Israël”. Le Congrès -à majorité démocrate- a quant à lui renouvelé pour 10 ans l’aide annuelle de 3 milliards de dollars à l’Etat d’Israël…Tout ça porte à croire qu’à part une plus grande dose de concertation avec les autres grandes puissances, la politique étrangère d’Obama au Moyen-Orient ne va pas subir de changements fondamentaux.