L’Islande a été ébranlée par une vague de protestations qui a fait tomber le gouvernement, en réponse à la destruction de l’économie du pays à la suite de la crise économique mondiale (voir notre précédent article). Kristofer Lundberg, membre du Rättvisepartiet Socialisterna (Parti Socialiste de la Justice – notre organisation-sœur en Suède) et de SST (Socialistiska Studenter – Etudiants Socialistes) est parti en Islande afin d’y discuter avec des étudiants de gauche, qui ont joué un grand rôle dans le mouvement qui s’y développe.
Le 29 janvier, les Röskva (Etudiants Rouges) de l’Université d’Islande ont marché sur le Parlement pour bien montrer au nouveau gouvernement que les étudiants sont prêts à se battre pour leurs droits. Ils ont déposé une pétition, avec les mêmes revendications que celles qu’avaient reçues en décembre le précédent gouvernement, lorsque les étudiants manifestaient contre des coupures budgétaires.
Les discussions visant à constituer un gouvernement provisoire formé par une coalition du parti Gauche-Vert et l’Alliance Social-Démocrate, ayant la charge de diriger le pays jusqu’à ce que de nouvelles élections soient organisées au printemps, avaient débuté dans les bâtiments du Parlement tôt le matin du même jour. Les sociaux-démocrates ont assuré qu’il ne restait maintenant plus aucune question essentielle à discuter, et que la réunion s’était bien déroulée. C’était pour les étudiants une occasion parfaite d’avancer leurs revendications.
Sous une bannière rouge brandie bien haut et sur laquelle était écrit ’l’éducation d’abord’, accompagnés de drapeaux rouges, de tambours et de pancartes, ils ont défilé avec conviction hors du Parlement. Une des banderoles disait ‘Avec l’éducation, nous pouvons construire le pays’. Ceci constitue une critique de la police autant que du gouvernement, puisqu’on peut lire sur les boucliers des policiers ‘Avec la loi, nous construisons le pays’ ! C’est une force de police qui a été fortement critiquée par le mouvement de masse, ce qui a soulevé la question de la nécessité d’un nouveau corps de police. La réunion des politiciens a donc été perturbée par les cris de ‘L’éducation c’est le pouvoir’.
Bergbora Snaebjörnsdottir m’a dit : ‘Nous sommes ici afin de nous assurer que les politiciens ne nous oublient pas, que pendant qu’ils sont là-dedans en train de négocier, ils savent que nous avons nos propres revendications. Nous voulons placer l’éducation à l’ordre du jour. L’éducation est importante pour la société toute entière. Nous avons besoin d’éducation, la société a besoin de gens éduqués. C’est nous, les jeunes, qui allons rebâtir cette société effondrée’.
‘Nous voulons rappeler au gouvernement que l’avenir du pays est entre leurs mains. Nous voulons l’éducation que nous méritons’, a dit Anna Finnbogadottir.
‘Nous voulons une éducation première classe, nous sommes la génération qui va donner forme à la société. Nous sommes ici, ne l’oubliez pas’, a ajouté Bergbora Benediktsdottir.
Interview d’un militant étudiant
Röskva (Etudiants Rouges) est une organisation d’étudiants de gauche qui rassemble à l’université des étudiants socialistes sous une seule coupole. Röskva est une organisation qui englobe un très large spectre d’opinions, de la gauche réformiste à la gauche radicale. Ils se décrivent comme une alliance de ‘penseurs sociaux’, et existent depuis environ vingt ans. Aujourd’hui, ils ne soutiennent aucun parti politique en particulier et disposent d’une centaine de membres actifs à l’université. Kristofer Lundberg, en sa qualité d’envoyé de SST (Socialistiska Studenter – branche suédoise de Résistance Internationale), a discuté avec Sigurour Kari Arnason, un des candidats Röskva au élections du syndicat étudiant.
‘Pendant l’automne, les étudiants islandais ont dû traverser une mauvaise période, à cause de la crise économique qui a très durement touché le pays. Ceux qui avaient des emprunts dans d’autres devises se trouvent dans une situation encore plus grave.’
‘Les Röskva croient que la lutte pour les droits étudiants est aussi importante à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’université. Ce sont les décisions politiques qui déterminent l’avenir des étudiants, et ils doivent aussi prendre part à la lutte politique.’
‘Nous essayons d’être la voix des étudiants. En décembre, après que la crise ait frappé, le gouvernement voulait réaliser des coupes budgétaires d’un montant de 2 milliards de couronnes islandaises. Mais après les manifestations et une pétition de Röskva et du syndicat étudiant, que nous dirigeons depuis maintenant deux ans, le gouvernement a en partie reculé. Je pense toutefois que nous aurions pu faire plus, mais néanmoins, les coupes ont été réduites de un milliard de couronnes.’
‘Maintenant qu’il apparaît qu’un nouveau gouvernement va être formé avec les Gauche-Verts, l’Alliance Social-démocratique et le Parti Progressiste, qui est un parti ‘centriste’, nous devons poursuivre la lutte. Nous allons remettre une liste de revendications étudiantes dès le premier jour où un nouveau gouvernement sera mis sur pied, y compris la fin des coupes budgétaires, et plus de ressources pour l’éducation. Nous voulons avoir une éducation de première classe, et c’est encore plus important maintenant, pendant la crise, alors qu’il n’y a aucun job à trouver.’
‘C’est l’heure de montrer nos vraies couleurs. Les sociaux-démocrates ne sont pas innocents : ils faisaient partie du précédent gouvernement. Pour nous qui sommes de Röskva et qui sommes socialistes, il importe peu de savoir qui est au gouvernement : s’ils n’amènent pas d’améliorations pour nous, alors nous nous battrons contre eux. Mais nous espérons qu’ils vont écouter nos demandes. Ils vont subir de grandes pressions. Ils vont vouloir nos votes lors des prochaines élections, au printemps, et s’ils les veulent, alors il faudra des améliorations.’
‘Nous vivons des temps historiques. D’habitude, les Islandais ne prennent pas les rues, mais les gens sont revenus jour après jour, jusqu’à ce que le gouvernement démissionne. Le gouvernement de droite conservatrice est finalement parti pour la première fois depuis 1991, mais la lutte doit se poursuivre, et nous espérons que les étudiants vont jouer un rôle plus actif lors des prochaines manifestations.’
Dans le futur, Sigurour espère voir plus de coopération entre les organisations étudiantes et la classe ouvrière, surtout les syndicats. ‘Un appel qui doit être fait, c’est ’Les gens avant l’argent’, conclut-il.