Changement climatique: que sommes-nous en droit d’attendre de la COP21 ?

save_planetAu niveau international, la lutte contre le changement climatique est sensée s’appuyer sur la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, un traité signé en 1992 au Sommet de Rio de Janeiro. Depuis plus de 20 ans, donc, les Etats (195 pays signataires tout de même) palabrent et négocient un accord mondial dont l’ambition est de définir des politiques concrètes concernant la réduction des émissions des gaz à effet de serre. Chaque année, depuis Berlin en 1995, plusieurs milliers de représentants de gouvernements se réunissent lors des Conférences des Parties (COP). La COP 21 se tient à Paris et vient de commencer.

Ne faisons pas durer le suspense, ce processus n’a jamais abouti à un véritable accord et il n’en ira pas autrement cette fois-ci. L’urgence est pourtant bien là. Empêcher une augmentation de la température mondiale moyenne de 2° ou plus, et donc éviter les catastrophiques conséquences que cela engendrerait, cela aurait dû signifier que l’année 2014 ait été celle du pic maximal des émissions de gaz à effet de serre (GES) et que 2015 soit la première à connaitre une diminution. Nous sommes loin du compte. Le pire, c’est que les 2° dont il est question (seuil avancé par le GIEC, le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Climat) sont déjà considérés comme une limite conservatrice. Alors que l’augmentation de la température moyenne a déjà été de 0,85° entre 1880 et 2012, le seuil de 1,5° est mis en avant par divers scientifiques comme maximum à ne pas dépasser.
Qui tire les ficelles ?
Dans l’ouvrage collectif ‘‘Crime climatique STOP ! L’appel de la société civile’’, Pablo Solon, ancien négociateur en chef de la Bolivie sur le changement climatique, raconte l’anecdote suivante. Alors qu’il demandait à un autre ambassadeur des négociations sur le climat, un vétéran celui-là, ce qui avait changé en 20 ans de négociations, ce dernier lui a répondu : ‘‘Avant, les négociateurs étaient des gens qui se préoccupaient d’environnement, maintenant, comme tu vas le voir, la majeure partie se préoccupe surtout de business.’’
Et pourtant, la primauté du droit commercial et des intérêts du capital sur la défense de l’environnement n’est pas neuve… C’est en fait très clair dès les origines de ces négociations, dès le texte de la convention-cadre sur le changement climatique de l’ONU établie au sommet de Rio de Janeiro en 1992. L’article 3.5 de cette convention indique qu’il est hors de question que : ‘‘les mesures prises pour lutter contre les changements climatiques (…) constituent un moyen d’imposer des discriminations arbitraires ou injustifiables sur le plan du commerce international, ou des entraves déguisées à ce commerce.’’
Mais, c’est certain, la tendance n’a fait que s’alourdir au fur-et-à mesure des ans. Le rouleau compresseur néolibéral a fait son œuvre. Quand les négociations sur le changement climatique ont commencé, le secteur privé n’était encore qu’un secteur parmi tous ceux qui participaient en tant qu’observateurs aux COP. Il s’agit actuellement du secteur le plus important, représenté par des milliers de délégués. En nombre, ils dépassent tous les autres observateurs de la ‘‘société civile’’.
La mainmise des multinationales sur ces négociations est devenue gigantesque, ce qu’illustre entre autres la liste des entreprises qui financent la COP 21. Les Amis de la Terre, Attac France, le Corporate Europe Observatory, WECF et 350.org ont ainsi dénoncé la place prépondérante des pollueurs professionnels dans les financiers de la COP21 : ‘‘La majorité des entreprises choisies [comme mécènes]émettent massivement des gaz à effet de serre, responsables du changement climatique, comme EDF ou Engie dont les émissions provoquées par leurs centrales à charbon équivalent à elles seules à près de la moitié des émissions de la France’’. (‘‘Non! Les sponsors privés de la COP21 ne sont pas climato-compatibles!’’)
Pablo Solon, dans le texte cité ci-dessus, conclut par ces termes : ‘‘Pour le capital, l’idéal est que les négociations aboutissent à un accord qui ne limite pas le commerce, qui n’oblige pas à faire des investissements peu profitables, qui ne limite pas l’extraction de matières premières déjà valorisées en Bourse, qui ne réduise pas le niveau de consommation dont dépendent les ventes, qui n’impose pas un rythme de transformation accéléré afin que les bénéfices ne soient pas affectés – et tant qu’on y est, qui lui permettre de blanchir son image. Exactement le type d’accord auquel les COP aboutissent !’’
Concrètement
Le texte de négociation de la COP21 parle ‘‘d’émissions zéro d’ici la moitié ou la fin du siècle’’, un vœu pieux en l’absence du moindre objectif intermédiaire d’ici cinq, dix ou quinze ans. Ensuite, l’absolue nécessité d’arrêter d’extraire les combustibles fossiles encore présents dans le sous-sol pour réduire les émissions de carbone n’apparait nulle part. Les études qui font autorité défendent que pour limiter le réchauffement climatique en deçà des 2° (un chiffre contesté comme cela a déjà été dit) il faudrait laisser sous terre 80% des réserves actuellement connues de combustibles fossiles d’ici à 2050. On se demande bien comment réduire les émissions de CO2 sans que ce sujet soit abordé.
D’autre part, il n’est pas question d’aboutir à un accord contraignant. L’approche adoptée est celle de la ‘‘contribution volontaire’’ où chaque gouvernement décide de ce qu’il veut bien faire, et puis on regarde bêtement ce que ça donne. La COP 21 va aggraver cette logique des INDC Intended Nationally Determined Contributions (Contributions prévues déterminées au niveau national) et la faire perdurer jusque 2030.
Au final, la logique sous-jacente des COP ne considère les forêts, la terre et l’agriculture qu’en tant qu’infrastructures de stockage ou d’émission de gaz à effet de serre. Point à la ligne. Les cycles naturels (le cycle de l’eau, de l’azote, du carbone, etc.) ou encore la biodiversité sont totalement absents des réflexions. Ce n’est guère surprenant puisque l’économie capitaliste ne comprend la nature que comme un stock de ressources à exploiter au maximum. Laisser cette logique prévaloir, c’est accepter un suicide écologique.
Sauvons notre planète du capitalisme !
Les mobilisations qui prendront place en marge de la COP21 sont l’occasion de faire entendre une autre voix, une voix qui ne soumet pas les intérêts de l’environnement, des peuples indigènes, des habitants des pays insulaires menacés par la montée des eaux ainsi que des travailleurs et des pauvres au sens large à l’avidité de la classe capitaliste. Et à ceux qui instrumentalisent l’argument de l’emploi dans les secteurs de l’énergie fossile, rappelons que renoncer à ces pratiques au profit des énergies renouvelables créerait des millions d’emplois socialement utiles à travers le monde.
La responsabilité du capital et du monde des grandes entreprises est aujourd’hui largement admise. Mais beaucoup se contentent d’exiger un cadre légal ou d’autres mesures qui font abstraction du constat fondamental suivant : on ne contrôle pas ce que l’on ne possède pas. Il est des plus urgents de faire porter au centre du débat environnemental la nécessité de l’expropriation des multinationales et des secteurs clés de l’économie pour les placer dans les mains de la collectivité. Cela seul est de mesure à permettre une réelle transition énergétique rapide de façon démocratique, dans le cadre d’une gestion rationnelle et démocratiquement planifiée de la production économique. C’est ce que nous appelons le socialisme.