Stop à la politique de déportation inhumaine !
Selon diverses estimations, 3.300 personnes ont perdu la vie en essayant d’arriver en Europe via l’île italienne de Lampedusa ces dix dernières années. Quant à ceux qui arrivent, ils se heurtent à une montagne de problèmes à franchir dans leur recherche désespérée d’un meilleur avenir, à l’image du jeune plombier de Wielsbeke, Navid Sharifi, qui a dû quitter sa copine, ses amis et son boulot en étant expulsé et renvoyé dans le chaos afghan.
Expulsé vers l’Afghanistan…
Selon la Secrétaire d’État à l’Asile, à l’Immigration et à l’Intégration sociale, Maggie De Block (Open VLD), la politique d’asile belge n’est pas asociale puisque de tous les réfugiés afghans dans notre pays, 56% ont obtenu la protection de l’Etat ces dernières années. Navid s’est sans doute posé cette question : pourquoi une intégration parfaite et un emploi avec CDI ne suffisent pas pour faire partie de ces 56% ? Il n’a sans doute pas non plus compris comment Maggie De Block réussit à décrire le sort qu’elle lui a réservé comme n’étant “pas asocial”. La ministre ne voit que les chiffres, elle ne perçoit pas les drames humains qui se cachent derrière.
Les médias belges ont entretemps publié à plusieurs reprises l’histoire de Navid en Afghanistan. Il ne peut se rendre chez personne, son oncle refuse de l’accueillir à cause d’un conflit familial qui date de plusieurs années. Un jeune qui se construit un avenir en Belgique a donc été renvoyé dans un pays où il court quotidiennement un danger mortel et où il n’a aucun contact.
Un pays et un avenir incertains
Maggie De Block déclare qu’elle n’est pas une “impératrice romaine” qui, arbitrairement, attribue ou non un permis de séjour de son pouce levé ou baissé. Selon elle, cette décision est prise sur base d’une analyse profonde et objective de la situation sécuritaire en Afghanistan et en fonction du danger potentiel que la personne en question y court. Les demandeurs d’asile qui ne sont “pas en danger” doivent ainsi, irrévocablement, être renvoyés.
Il y a aussi eu l’histoire d’Arif, le jeune de 22 ans qui est retourné “volontairement” après quatre demandes d’asile refusées. Il n’a pas réussi à se construire un avenir en Belgique, largement à cause de la politique d’asile rétrograde en vigueur en Belgique. Après avoir dormi à la Gare du Nord à Bruxelles pendant quatre ans sans aucune perspective d’amélioration de sa situation – pas même un permis de résidence – il est retourné dans son pays d’origine. Mais à son arrivée en Afghanistan, il s’est fait tué, probablement parce qu’il refusait de rejoindre une milice terroriste islamiste.
Alors que le gouvernement n’a pas ménagé ses efforts dans les médias pour montrer à l’opinion publique que tout était fait pour éviter que des jeunes belges n’aillent combattre en Syrie, des jeunes afghans sont forcés de retourner dans un pays où refuser de rejoindre une milice revient à être condamné à mort.
Comment le gouvernement belge peut-il dire ou même s’imaginer que la situation en Afghanistan puisse être sécurisée, même un tant soi peu, et qu’il y a dépensé 113 millions d’euros en 2012 en opérations militaires ? Nous pourrions également nous demander ce qui aurait pu être fait pour les réfugiés afghans dans notre pays avec cet argent. Mais Maggie De Block ne se pose pas cette question. Elle part d’une rhétorique perverse selon laquelle ceux qui fuient une situation créée en coopération avec le gouvernement belge, ne doivent pas venir frapper aux portes de “l’Europe Forteresse”. “Si tu es né en Afghanistan, c’est malheureux, mais se faire bombarder pas les F-16 belges ne te donne pas le droit de fuir ton pays et chercher un avenir en Belgique !”
Stop à l’Europe forteresse
Partout dans le monde, des gens crèvent chaque jour à la recherche d’un avenir plus humain. Le mois dernier, 200 réfugiés sont morts, en une fois, au large de l’île italienne de Lampedusa. Ces tragédies humaines sont la conséquence directe de la politique d’asile européenne. Ces 20 dernières années, près de 20.000 personnes ont connus ce même sort. Les politiciens expriment leur compassion dans les médias, mais ils continuent ensuite leur militarisation des frontières de l’UE. A ce stade, une étude est menée au sujet de la possibilité d’impliquer des drones dans la traque des candidats refugiés.
Nous vivons dans un système capitaliste qui force, continuellement, des millions de personnes à abandonner tous ce qu’ils ont et connaissent derrière eux, toutes leurs relations sociales, dans leur lutte pour survivre. C’est pour ça que le PSL défend la revendication d’une régularisation de tous les sans-papiers : personne n’est illégal! L’étiquette “d’illégal” n’est pas utilisée que pour déporter des gens, mais aussi pour mettre une pression à la baisse sur les salaires de tous via le travail au noir et l’exploitation de leur position de faiblesse.
On entend très souvent dire que l’on ne peut pas “accueillir toute la misère du monde”. Nous ne proposons cependant pas de maintenir cette misère, mais au contraire de la contrecarrer en arrêtant la politique du pillage néo-colonial. Personne ne fuit par plaisir, c’est l’expression du désespoir comme conséquence de la misère et/ou de la guerre. Afin d’arrêter les grandes multinationales et les seigneurs de guerre impérialistes qui sont responsables, il faut une rupture anticapitaliste. Seule une société socialiste et démocratique peut en finir avec cette exploitation barbare, cette répression et ces condamnations à mort arbitraires !
L’AFGHANISTAN : UNE DESTINATION DE REVE ?
A en croire Maggie De Block, il faudrait presque courir à l’agence de tourisme la plus proche pour passer nos prochaines vacances en Afghanistan. Apparemment, la ministre et ses services ont oubliés que le pays est le théâtre, depuis déjà plus d’une décennie, d’une guerre de longue haleine entre les armées occidentales et les Talibans. Quelle est la réalité de la sécurité de ce pays où De Block renvoie de jeunes plombiers innocents ? Les Talibans ont tout sauf disparu d’Afghanistan. Ils poursuivent une lutte quotidienne contre la présence des “infidèles” et contre le régime fantoche du président Hamid Karzai. Ils opèrent principalement à partir de la région frontalière avec le Pakistan. Tous les jours tombent des citoyens innocents et des soldats de l’ISAF (International Security Assistance Force, la force de sécurité mise sur pied par l’OTAN). Les Talibans se sont renforcés au Pakistan, ils peuvent frapper à chaque instant et dans chaque partie du pays.
En plus, les autorités régionales afghanes se posent de plus en plus comme des seigneurs de guerre indépendants, qui se moquent de l’autorité centrale. Ils font tout pour s’enrichir, luttent entre eux et oppriment la population locale dans tout cela.
Si on dit que l’Afghanistan est une prison pour la large majorité de la population, ce n’est sans doute pas une thèse honnête. Dans une prison, on peut, par exemple, encore écouter de la musique. En Afghanistan ce n’est pas le cas. A cause de l’influence croissante des Talibans, il n’y a plus de musique, plus de système judiciaire qui fonctionne, les femmes n’ont plus le droit de sortir de leurs maisons, ni les filles de se rendre à l’école. Par contre, on peut être contrôlé par la police religieuse pour la longueur de sa barbe. L’image traditionnelle de l’Afghanistan sous contrôle des Talibans redevient, de plus en plus, une réalité dans de grandes portions du pays.
L’intervention occidentale en Afghanistan a eu un effet comparable à celui de l’invasion soviétique dans les années ‘80 : le pays a été réduit au rang d’entrepôt de ferrailles, un vide que les Talibans ont pu instrumentaliser. Les Talibans, qui ont grandi durant les interventions militaires, terrorisent aujourd’hui la population. Résultat : des gens tentent de fuir le pays. L’année passée, 2,6 millions d’Afghans se sont ainsi enfuis, mais ces 10 dernières années, 5,7 millions de réfugiés y ont été renvoyés. Ces énormes vagues de réfugiés causent de nombreux problèmes logistiques. De plus, les réfugiés renvoyés sont une cible importante des Talibans. Ces derniers, pensant qu’ils sont devenus riches en Europe, les enlèvent pour réclamer des rançons.
Il faut en finir avec le régime meurtrier en Afghanistan ainsi qu’avec les seigneurs de guerre étrangers (comme De Crem) qui continuent à encourager la guerre et la barbarie. Entretemps, nous devons nous concentrer sur la lutte contre les déportations inhumaines de victimes innocentes vers les Talibans et sur l’opposition à l’intervention belge en Afghanistan.