L’extrême droite, ennemie irréductible du féminisme

La flambée des luttes féministes dans les années 2010 autour de #metoo ou encore de Ni Una Menos (Pas une de moins) a imposé le féminisme au-devant de l’actualité ainsi qu’une cer­taine progression des consciences. En réaction, on assiste à un retour de bâton masculiniste et « anti-woke » (un mot-fantasme qui regroupe toutes les caricatures) mais, parallèlement, la nouvelle donne a été intégrée, y compris à l’extrême droite. Les femmes y sont de plus en plus visibles et y occupent des postes clés. « Cette victoire électorale c’est le triomphe de toutes les femmes italiennes », avait déclaré Paola Frassinetti, actuelle secrétaire d’État italienne « de l’Éduca­tion et du mérite » au sujet de l’élection de Giorgia Meloni, présidente des Frères d’Italie et aujourd’hui Présidente du Conseil des ministres.

Par Odile (Liège)

On ne présente plus Marine Le Pen et Giorgia Meloni, mais on peut encore parler d’Alice Weidel (qui dirige le groupe parlementaire AfD, Alternative pour l’Allemagne) au côté de la création de nom­breux groupes féminins d’extrême droite (comme le collectif Némésis) et de l’émergence de figures féminines influentes et très actives sur les réseaux sociaux comme les Françaises Thais d’Escufon, Alice Cordier, Virginie Vota et Charlotte d’Ornellas. Parallèlement, certains partis et figures d’ex­trême droite se sont autoproclamés défenseurs des femmes, mais uniquement dès lors que la ques­tion sert de prétexte pour véhiculer le racisme et la haine de l’autre. De la même manière, ces mi­lieux ne parlent généralement des droits LGBTQIA+ que s’il s’agit de stigmatiser l’islam.

L’extrême droite à l’épreuve des faits

Pour l’extrême droite, l’organisation sociale et sexuée de la société existe comme elle l’est en raison de la « nature » et au nom de la tradition. De là découle l’importance des notions de virilité et de fé­minité, il est hors de question de remettre en cause la hiérarchie dominante des rôles. Une fois au pouvoir, cette approche se décline en politiques qui prônent le retour des femmes au foyer. En Hon­grie, Orban a mis en place des aides à la naissance similaires à celles appliquées sous le nazisme pour encourager les familles nombreuses. Il s’est également attaqué aux études de genre dans les universités.

En Belgique, le Vlaams Belang ne mentionne les femmes dans son programme que dans le cadre de politiques familiales. Il avait par ailleurs voté contre la dépénalisation de l’avortement en 2019 (avec le CD&V et la NVA) et proposait jusqu’en 2011 régulièrement de le recriminaliser. Le VB a tout fait pour empêcher l’extension du délai d’avortement à 18 semaines et a même qualifié cette proposition « d’attaque contre les droits des femmes ». Il faut oser !

Comment l’extrême droite considère-t-elle les femmes ? Chez Schild & Vrienden, récupéré par le VB, cela donne ceci : « En tant que société, nous n’exigeons pas grand-chose des femmes : être une bonne mère et prendre soin d’elles, avoir une belle apparence. C’est à juste titre que les hommes se voient imposer des normes plus strictes, afin que nous puissions aller de l’avant. »

Cet été, le gouvernement italien s’est lancé dans une croisade conservatrice contre les familles ho­mosexuelles : « Selon moi c’est plus grave que la pédophilie, nous sommes face à des personnes qui veulent choisir un enfant comme si c’était une décoration ou les meubles de la maison », a osé dire le député des Frères d’Italie Federico Mollicone. Jusqu’ici, les maires progressistes acceptaient d’ins­crire les enfants de couples LGBTQI+ à l’état civil (la loi ne le permet officiellement toujours pas en Italie), mais le gouvernement a désormais interdit de procéder de la sorte.

Autre exemple : Giorgia Meloni avait assuré ne pas vouloir toucher à la loi de 1978 qui dépénalise l’avortement. Mais, au niveau local, les régions gouvernées par la droite et l’extrême droite multi­plient les obstacles à l’avortement tandis que le discours officiel le condamne de plus en plus expli­citement. Dans certaines régions, comme dans les Abruzzes ou en Sicile, 90 % des gynécologues sont aujourd’hui objecteurs de conscience et il y est quasiment impossible d’avorter.

Dans l’État espagnol, après les élections locales de mai dernier, le parti d’extrême droite Vox  est entré dans plusieurs gouvernements régionaux ou coalitions municipales. À Valence, par exemple, où d’importants moyens sont déployés dans la lutte contre les violences faites aux femmes, on redoute une remise en cause des progrès réalisés depuis vingt ans. Son programme réclame l’exclusion des IVG du système de santé publique et s’oppose à la loi contre les violences sexistes qui avait été adoptée à l’unanimité en 2004 au parlement.

No Pasaran !

Les luttes féministes actuelles ont permis de réaliser des pas en avant. Mais chaque avancée est par nature fragile et précaire dans un système capitaliste qui s’enfonce dans la crise à tous les niveaux. Le combat féministe est par nature antifasciste, anticapitaliste et socialiste. Ce n’est pas un hasard si Clara Zetkin, militante pionnière du féminisme marxiste, fut également parmi les pionnières de l’ana­lyse du fascisme et des stratégies pour le combattre. C’est cette tradition que nous poursuivons avec la Campagne ROSA. 

Plusieurs données de cet article proviennent de l’étude « Féminisation de l’extrême droite. La com­prendre pour mieux la combattre ? », Juliette Léonard, Collectif contre les violences familiales et l’ex­clusion (CVFE ASBL), décembre 2022. Nous vous invitons à en prendre connaissance pour approfondir le sujet. URL : https://www.cvfe.be/publications/analyses/450-feminisation-de-l-extreme-droite-la-com­prendre-pour-mieux-la-combattre