Après plusieurs tentatives ratées, Marine Le Pen a annoncé en juin dernier la création d’une fraction d’extrême droite au Parlement européen : «l’Europe des Nations et libertés».
Article de Tanja Niemeier
Ce nouveau groupe est présidé par Marine Le Pen du Front National français et Marcel de Graaf du PVV, parti anti-immigrés et islamophobe des Pays-Bas. Cette fraction réunit des parlementaires du FN et du PVV mais aussi de la Ligue du Nord (Italie), du FPÖ (Autriche) et du Vlaams Belang (Belgique). Des négociations avaient déjà eu lieu pour constituer un groupe politique, sans parvenir à obtenir des élus de sept Etats membres de l’UE, une exigence à satisfaire pour être reconnu comme groupe politique au Parlement européen.
Finalement, ils ont été rejoints par Janice Atkinson, élues sur les listes de l’UKIP britannique mais qui a quitté l’EFDD (Europe de la liberté et de la démocratie directe), qui se compose principalement de membres de l’UKIP et du Mouvement des cinq étoiles (Italie). Outre Atkinson la nouvelle fraction d’extrême droite a aussi attiré deux députés polonais, deux élus du Congrès pour la Nouvelle Droite (KNP), Michal Marusik et Stanislav Zoltek.
Divers commentateurs ont suggéré que la constitution de cette nouvelle fraction est devenue possible après l’ouverture du conflit entre Marine et Jean-Marie Le Pen et la perspective de l’exclusion de ce dernier. Marine Le Pen tente de débarrasser le FN des éléments les plus ouvertement racistes, xénophobes et antisémites.
Le dirigeant du PVV Geert Wilders est l’un des fondateurs de ce groupe parlementaire. Selon lui, la naissance de «l’Europe des nations et des Libertés» représente une étape historique et un point de départ pour être «maître de nos propres lois et ressources et à un moment où un million de personnes sont en attente à la frontière de l’Europe».
La création de ce nouveau groupe politique est l’expression d’une polarisation croissante en Europe. Les politiques d’austérité imposées par la Troïka et soutenues par les principaux groupes politiques du Parlement européen font en sorte que la confiance dans l’UE est à un point historiquement bas, très certainement dans les pays durement touchés par la crise. En partie à cause de la faiblesse de la gauche en Europe, la répulsion croissante contre les politiques néolibérales de l’UE n’a pas encore d’expression politique claire sur une base de classe à travers l’Europe.
Lors de la conférence de presse où fut annoncée la création du groupe parlementaire, les couches ciblées étaient très significatives. Marine Le Pen, qui représente au sein du groupe parlementaire le plus grand nombre de députés (36) avec le FN, a affirmé défendre les intérêts des gens ordinaires, des travailleurs et des agriculteurs victimes de la mondialisation et ayant perdu leur indépendance du fait des mesures économiques décidées par l’UE. Le Pen s’est prononcée contre l’accord de libre-échange TTIP (le Traité Transatlantique) et a vivement critiqué la grande coalition de chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates au pouvoir au Parlement Européen.
Cependant, il est clair qu’aucun parti de ce groupe politique ne défend réellement les intérêts des travailleurs. Il suffit de penser à Janice Atkinson, virée de l’UKIP pour accusations de fraude et qui a déclaré à cette même conférence de presse que les deux femmes qui l’inspirent le plus sont Margaret Thatcher et Marine Le Pen. La catastrophe sociale que Thatcher a causée parmi les travailleurs et les pauvres en Grande-Bretagne est bien connue…
Ce groupe parlementaire doit percevoir 17,5 millions d’euros de fonds publics pour les quatre années restantes de la législature. En outre, ses membres reçoivent plus de temps de parole et ont ainsi obtenu un profil politique plus élevé. Tout cela pour la promotion d’une propagande raciste, nationaliste et anti-immigrés. Cela représente une menace pour l’unité des travailleurs, des migrants et des réfugiés plus particulièrement. Ce renforcement de l’extrême droite pourrait encourager la violence raciste et fasciste. Fin mai, à Bruxelles, une action de sans-papiers avait été attaquée par des militants d’extrême-droite alors qu’ils protestaient contre la politique d’asile antisociale devant le Parlement européen. Quelques jours plus tard, des néo-nazis du même groupuscule francophone («Nation») s’en ont tabassé un sans-abri en marge d’une mobilisation de sans-papiers et de militants antifascistes qui faisait suite à leur précédente provocation.
Il reste encore à voir si ce groupe parlementaire pourra rester stable. Mais il n’est pas exclu que d’autres élus le rejoigne. Lors de la conférence de presse déjà mentionnée, un appel direct a été lancé vers d’autres députés de l’UKIP frustrés.
Le fait que l’extrême droite ait été capable de constituer un groupe constitue un sérieux avertissement pour la gauche. Si celle-ci ne peut pas fournir de réponse claire et cohérente contre la politique d’austérité, l’extrême droite peut alors en profiter. Le rejet des institutions capitalistes et néolibérales de l’UE et de l’establishment politique européen doit faire partie intégrante de cette riposte, aux côtés d’une perspective internationaliste et militante basée sur un programme de rupture avec la logique des marchés et du capitalisme. Cela est d’autant plus important aujourd’hui.
Manifestation contre la venue de Marine Le Pen à Bruxelles. STOP au meeting raciste du Vlaams Belang !
MANIFESTATION ce mardi 15 septembre, à 19h, Madou, Place Surlet de Chokier, à Bruxelles.
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=>Affiche en format PDF
Cette manifestation est à l’initiative des Étudiants de Gauche Actifs et de la campagne antifasciste Blokbuster avec le soutien de : Association Joseph Jacquemotte, CADTM – Belgique, Collectif Antifascisti Bruxelles, FEWLA, FAF (Front AntiFasciste), Initiative Solidarité avec la Grèce qui résiste, Jeunes FGTB-Charleroi, JOC-Bruxelles, Mouvement Anti-FN (France), PSL-LSP, Syndicalisten TEGEN Fascisme/Syndicalistes contre le Fascisme, USE – Jeunes FGTB,…
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