Le dirigeant du parti néo-nazi grec Aube Dorée¸ Nikolaos Michaloliakos, a été arrêté ainsi que plusieurs députés. Ces arrestations font suite à l’assassinat du rappeur Pavlos Fyssas, les responsables étant liés à Aube Dorée. D’autre part, certaines figures de premier plan des forces de police, alliées d’Aube Dorée, ont été démises de leurs fonctions tandis que le gouvernement a annoncé qu’il allait examiner si ce parti pouvait être considéré comme une organisation criminelle, et donc être interdit. Que doivent en penser les antifascistes ?
Déclaration de Blokbuster et Résistance Internationale, les campagnes antifascistes du PSL
Jeudi soir, Michaloliakos brandissait encore la menace de la démission des 18 députés d’Aube Dorée, ce qui aurait causé la tenue d’élections anticipées dans certaines circonscriptions. Au vu de l’hostilité qui s’est développée contre le parti d’extrême-droite depuis l’assassinat de Fyssas, la concrétisation de cette manœuvre est encore bien incertaine. Aube Dorée pouvait encore relativement s’en sortir avec le passage à tabac des immigrés – il est toujours facile de s’en prendre aux plus faibles dans la société – mais, avec l’assassinat d’un artiste grec, ils ont franchit une ligne pour beaucoup de gens.
Michaloliakos & Co vont naturellement dire haut et fort qu’Aube Dorée n’a rien à voir avec cet assassinat. Ainsi, le meurtrier s’est rendu compte que ses liens avec le parti néonazi constituaient un problème, et il a tenté de cacher son appartenance à Aube Dorée. Mais cette violence n’a de toute façon pu se développer et aller jusqu’à l’assassinat que suite aux campagnes d’Aube Dorée et au climat que cela a créé. Ces gros bras néonazis se sont sentis encouragés par le succès électoral remporté par le parti. Si la direction d’Aube Dorée semblait se rendre compte qu’une certaine prudence était de mise après ce succès, ce n’était plus possible de retenir les militants du parti qui voulaient en découdre et cherchaient à répandre le sang.
Dans la foulée de l’assassinat de Fyssas, l’Etat a procédé à l’arrestation du dirigeant du parti Michaloliakos, de plusieurs députés et d’une dizaine d’autres dirigeants centraux du parti. L’opération de police a été soigneusement élaborée (ce qui n’est pas évident quand on voit le large soutien dont dispose le parti parmi la police) et suivie de près par le Premier ministre Samaras, des néo-démocrates conservateurs, au pouvoir en coalition avec les sociaux-démocrates du PASOK .
La semaine dernière, de grandes actions contre la violence fasciste ont eu lieu en Grèce, avec par exemple 50.000 manifestants à Athènes. Ces nouvelles mobilisations antifascistes renforcent la dynamique de la résistance et de la lutte. Peut-être le gouvernement craignait-il que les choses aillent trop loin dans cette direction, et que c’est sur cette base qu’une action policière rigoureuse a été décidée. Pour les antifascistes, l’arrestation des provocateurs néonazis violents à la tête d’Aube Dorée peut constituer un soulagement. Mais cela ne diminue pas pour autant le terreau sur lequel peuvent se construire les forces d’extrême-droite.
Il y a quelques années encore, Aube dorée ne représentait qu’une force marginale en Grèce, la principale force électorale d’extrême-droite était le LAOS. Mais ce dernier parti a collaboré à un gouvernement d’austérité, et a été lourdement sanctionné par la suite. Aube Dorée, de son côté, s’est profilé comme un parti ‘‘différent’’. Avec des opérations musclées et les déclarations dures du provocateur professionnel qu’est le président du parti Michaloliakos, il a été possible de gagner un soutien parmi un segment de l’électorat anti-establishment. Aube Dorée est entre temps devenu le troisième parti grec (après les conservateurs de la Nouvelle Démocratie et la coalition de la gauche radicale Syriza). A l’occasion des élections européennes de l’an prochain, il est possible qu’Aube Dorée fasse son entrée au Parlement européen.
Nous ne pouvons pas laisser l’initiative de la lutte contre l’extrême-droite aux partis de l’establishment dont la politique d’austérité a conduit à l’aliénation sociale sur laquelle les néonazis s’appuient pour chercher une audience et un soutien. La répression policière peut avoir un effet temporaire, mais ce ne sera que très temporaire. L’interdiction des organisations néofascistes impliquées dans l’assassinat de Clement Meric en France n’a pas évité la création de nouvelles organisations. Il ne faut en outre pas sous-estimer le danger que l’establishment grec utilise cette opération comme un précédent contre toute forme de protestation sociale contre la politique d’austérité.
Qu’une force ouvertement néonazie comme Aube Dorée puisse disposer d’un large soutien dans la société est l’expression d’une crise sociale très profonde. Pour stopper l’extrême-droite, nous devons être capables de répondre à cette crise sociale.
L’interdiction n’arrêtera pas l’extrême-droite. Dans les sondages, le parti est retombé ces derniers jours jusqu’à 6,8%, ce qui représente encore un score similaire à celui obtenu lors des dernières élections (6,92% en juin 2012). L’aversion contre les partis établis et leur politique d’austérité n’a pas diminué. Dans la mesure où la gauche politique ne sait pas suffisamment organiser et canaliser ce sentiment vers un changement fondamental de société, la porte reste grande ouverte pour les forces d’extrême-droite.
La gauche doit orienter le mouvement antifasciste vers la lutte des travailleurs qui se déroule au même moment. Par la création de comités de lutte démocratiques, il est possible de s’organiser dans les quartiers et les entreprises contre la violence fasciste, contre l’austérité et contre le capitalisme en général. Cela permettrait de plus de fournir une base pour développer au sein des syndicats le débat concernant la nécessité d’un syndicalisme de combat où l’activité syndicale ne se limite pas à des paroles radicales accompagnées d’actions essentiellement destinées à laisser échapper la vapeur de la base. Cela permettrait également de renforcer la gauche politique en instaurant une pression pour que la lutte soit résolument orientée contre le capitalisme, avec une alternative socialiste claire.
Avec des mobilisations de masse du niveau des 50.000 manifestants antifascistes qui se sont tenues la semaine dernière, l’extrême-droite peut être stoppée. Ces mobilisations fournissent une base pour une résistance organisée et politique au travers de comités locaux capables d’immédiatement réagir contre les activités publiques des néonazis, tout en renforçant les initiatives destinée à aider au développement de la lutte contre la politique d’austérité. Ces mobilisations ne doivent pas s’arrêter après ces arrestations, elles doivent au contraire se poursuivre et gagner en ampleur !