“L’éternel retour du fascisme” Un ramassis de clichés éculés

Le Hollandais Rob Riemen a voulu faire une critique des populistes de droite dans son livre “L’éternel retour du fascisme’’. Le titre semble choquer, puisque Geert Wilders est qualifié de fasciste. Mais dans cet essai de 64 pages, l’auteur ne dépasse pas les limites de clichés élitistes (ce qui explique certainement pourquoi ce livre a eu tant de succès dans les cercles libéraux). Même si ce livre n’existe pas en français, il nous a semblé intéressant d’en aborder le contenu, que l’on retrouve dans la bouche de nombreux politiciens et commentateurs.

Riemen décrit le fascisme comme une sorte de bacille de la peste qui ‘‘ne s’éteint jamais et ne disparait jamais définitivement’’, comme une forme ‘‘d’état d’esprit’’, et il se limite ensuite à une vision moralisatrice du sujet. Pour lui, Mussolini et Hitler étaient ‘‘les représentants de la politisation d’un état d’esprit’’. Pas un mot d’analyse de classe, rien sur la lutte et les défaites des travailleurs qui ont créé l’espace pour une forme de capitalisme extrêmement réactionnaire, rien sur la volonté d’une partie de la bourgeoisie de faire subir au mouvement ouvrier une défaite fondamentale. C’est tout simplement la faute des gens eux-mêmes.

Dans ce cadre, Riemen considère que “l’homme de la masse” constitue une menace pour les valeurs et les idéaux humanistes. ‘‘L’homme de la masse ne veut pas être contredit. Il n’y a pas de mesures, de valeurs ou de vérités qui peuvent être mis au-dessus de lui et qui peuvent lui imposer des limites. Pour l’homme de la masse, la vie doit toujours être facile et abondante, il ne connaît pas la tragédie de l’existence. Tout est permis, parce qu’il ne connait pas de limite.’’ Cela fait penser aux intellectuels qui, il y a 20 ans, montraient du doigt les ‘‘bêtes spectateurs de VTM’’, responsables de la montée du Vlaams Blok. Ce cliché des gens-qui-sont-bêtes revient souvent chez les intellectuels qui aiment se poser au-dessus des masses.

L’homme nihiliste de la masse est, selon Riemen, “possédé par le trivial et ouvert à la démagogie, plein de ressentiment et de peur.’’ On peut bien emballer les insultes dans des citations de philosophes respectés, elles restent des insultes. Riemen tire plusieurs constats sur le fait que la société n’offre pas suffisamment de profondeur, sur la culture de masse qui est de plus en plus ancrée,… Mais il ne réussit pas à expliquer cela, sauf en insultant ‘‘l’homme de la masse’’. Mais d’où vient cette tendance au nivellement par le bas et à la commercialisation de la culture ? Cela serait-il étranger au système capitaliste, où seuls comptent les profits et où la masse laborieuse doit être gardée sous contrôle avec en récompense un peu de pain (cher) et des jeux (mauvais) ?

Pour Riemen, la définition du fascisme est la suivante: “la politisation de l’état d’esprit de l’homme rancunier de la masse’’. Il ajoute encore : ‘‘C’est une politique où les meneurs du peuple ne connaissent plus d’autres motifs que le maintien et l’élargissement de leur pouvoir, qui pour cela exploitent le ressentiment, qui montrent du doigt des boucs émissaires, qui répandent la haine, qui cachent un vide intellectuel derrière des slogans criants et des insultes, et qui avec leur populisme érigent l’opportunisme en politique au niveau de l’art.’’ Quel politicien traditionnel ne tombe pas sous cette définition ?

Les exemples de De Wever ou Dedecker en Flandre sont peut-être un peu sensibles parce que certains les décrivent, à tort, comme des fascistes. Mais si nous nous limitons aux trois familles traditionnels, on peut quand même constater qu’ils veulent élargir leur pouvoir, qu’ils n’hésitent pas à recourir au diviser-pour-mieux-régner et qu’ils utilisent des slogans habiles (qu’ils soient ou non élaborés par les bureaux de publicité payés pour savoir ce que pense ‘‘l’homme de la masse’’). Riemen pense-t-il trouver des étincelles d’idéologie chez les politiciens traditionnels ? Il écrit lui-même : ‘‘Les élections sont réduites à une foire de trivialités sans contenu.’’ Tous les politiciens traditionnels sont-ils alors des fascistes ?

Pour qualifier le Vlaams Belang, le NPD allemand ou le FPÖ autrichien, nous utilisons le terme “néofasciste”. Ces partis se construisent sur les traditions du fascisme et essaient de former un cadre éduqué dans cette idéologie, mais ils doivent en même temps tenir compte que la situation objective a changé et qu’ils ne savent pas encore obtenir un soutien actif de masse.

Les néofascistes doivent se baser sur la méthode populiste afin d’obtenir un soutien électoral mais, malgré ce soutien, ils ne sont pas capables de physiquement briser le mouvement ouvrier, comme les fascistes classiques l’ont fait dans les années ’20 et ’30. C’est en fonction de ces différences que nous parlons de ‘néofascisme’. Nous ne mettons pas Geert Wilders dans cette catégorie. Il utilise la même méthode populiste que les néofascistes mais, chez lui, il n’y a que la méthode. Cet homme est tout seul et ne réussit pas à rassembler autour de lui un réel parti.