« J’ai travaillé pendant plusieurs années dans un Delhaize franchisé, en tant qu’étudiant. C’était un petit shop & go, un magasin lié à une station d’essence.
« Le personnel était composé principalement d’étudiant-e-s comme moi, avec seulement 1/5 des employé-e-s engagé-e-s à temps plein. Pourquoi autant d’étudiant-e-s ? Selon le discours officiel, c’est plus pratique, il y a plus de flexibilité, ça permet d’avoir une équipe plus grande et donc moins de travail.
« Moins de travail ? La bonne blague ! Nous faisions des horaires de 8h, par binôme, et devions effectuer une quantité de travail invraisemblable pour deux personnes. Pendant le rush de midi, il y avait tellement de clients qu’il aurait fallu deux personnes aux caisses et deux personnes au service Panos, pour préparer les sandwiches. Mais rares étaient les fois où nous étions plus de deux.
« De trop nombreuses fois, j’ai fini mon shift en ayant beaucoup trop mal pour faire quoi que ce soit par après, et avec des remarques désobligeantes des collègues qui râlaient car je n’avais pas réussi à effectuer toutes les tâches demandées. Chaque carence doit être rattrapée par l’équipe du shift suivant: alors que nous devrions être solidaires, cette pression augmentait notre frustration et les tensions. Combien de fois n’ai-je pas entendu des employé-e-s temps plein critiquer les étudiant-e-s qui « n’en ont rien à foutre et ne travaillent que pour payer leurs guindailles » !
« Dans mon Delhaize, il n’y avait pas de syndicat. Le fait qu’il soit franchisé avait pour conséquence que le nombre d’employé-e-s est en dessous du nombre minimal pour que la présence d’un délégué syndical soit obligatoire. De plus, la position précaire de la plupart des étudiant-e-s rend impensable l’idée de se battre et de prendre des risques pour améliorer nos conditions de travail. La précarité étudiante est devenue tellement banale qu’on se contente de serrer les dents, et d’attendre que ça passe. Pourquoi prendre des risques alors que le gérant a une pile monstrueuse de CV qui s’entassent sur son bureau et que tu es remplaçable en un claquement de doigts par un-e autre étudiant-e qui acceptera de mauvaises conditions de travail sans broncher?
« En réalité, les raisons pour lesquelles nous étions autant d’étudiant-e-s étaient toutes à notre désavantage. L’employeur qui occupe des étudiants-e-s ne paie pas de cotisations sociales ordinaires (24,92%) à la Sécurité sociale, mais uniquement une cotisation « de solidarité » (5,42%). En cas de maladie seules 2 x 8h sont permises sur l’année pour les étudiant-e-s. Le travail étudiant ne compte pas pour le calcul du montant de la pension et l’employeur ne doit pas intervenir dans les frais de transport.
La plupart des étudiant-e-s font un job pour payer leurs études: la précarité étudiante a solidement augmenté au cours de ces 20 dernières années: 30% des students travaillaient en 2003 , …75% en 2022 !(1)
« Cette situation est de plus en plus encouragée par le patronat. Le plafond annuel des heures prestées est passé de 475 à 600 heures pour le travail étudiant. 600 heures, cela représente 75 fois un shift de 8 heures sur l’année. Ce temps-là devrait être passé à étudier, à se reposer, à avoir des loisirs, pas à travailler pour pouvoir payer un minerval, qui va en plus augmenter !
« Pour toutes ces raisons, je suis solidaire du personnel de Delhaize, et je revendique un salaire étudiant qui permette de se consacrer pleinement aux études. »
- https://www.tijd.be/politiek-economie/belgie/algemeen/acht-op-de-tien-studenten-klussen-bij-tijdens-schooljaar/10475604.html