‘‘Un autre monde est possible, mais faut peut-être alors commencer à bouger son cul’’

Depuis quelques mois maintenant, des comités de « Jeunes en lutte pour l’emploi » se développent en Wallonie et à Bruxelles. A la rentrée, les premières activités seront également lancées en Flandre (voir ci-dessous). Nous avons interviewé Antoine Thioux, animateur au centre Jeunes-Taboo (un centre jeunes lié à la FGTB) et pour les jeunes-FGTB de Charleroi. Il est l’un des initiateurs du comité du Hainaut.

Lutte Socialiste : Pourquoi as-tu trouvé nécessaire et important de t’impliquer dans ce comité de Jeunes en lutte pour l’emploi ?

Antoine Thioux : ‘‘On vit dans une société de la pensée unique, et depuis quelques décennies, le modèle qu’on nous a poussé dans le crâne, c’est celui du tout au profit. Ce n’est pas vraiment activement contesté chez les jeunes et cette campagne, c’est aussi l’opportunité de commencer quelque chose par rapport à ça. Les jeunes ne sont pas uniquement des consommateurs, comme on cherche très souvent à le faire croire et à leur faire croire. Ils peuvent être de réels acteurs, des acteurs de la démocratie. La démocratie, ce n’est pas seulement aller voter de temps à autre, c’est s’impliquer en tant que citoyen dans la société. La démocratie doit être la plus participative et la plus directe possible, et çà c’est à nous, citoyen de le concrétiser.

‘‘Il faut aussi dénoncer l’hypocrisie actuelle. On nous dit que c’est la crise, mais la plupart des entreprises continuent à faire des profits alors qu’on constate que le chômage chez les jeunes n’a jamais été si important. On utilise l’argument de la crise et l’augmentation du chômage pour faire pression sur le travail, pour faire accepter des salaires au rabais et ce genre de chose. Cela a particulièrement été visible à Charleroi, à Caterpillar par exemple, où, après avoir licencié plusieurs centaines de travailleurs, on en a maintenant réengagé, mais sous contrats à durée déterminée, avec des conditions de travail pires qu’avant. Et la grosse majorité de ces jobs sont subsidiés par l’état via les aides à l’emploi. Ce sont donc les contribuables, les travailleurs et les ménages, qui paient pour ces emplois qui, en plus, ne sont même pas de vrais jobs, ils sont temporaires. En fait, on assiste à la création d’un système de rotation de l’emploi.

‘‘On détruit le monde du travail et les conquêtes sociales, c’est donc urgent et important de mettre en place un mouvement fédéré d’organisations de jeunes qui puissent mettre en avant les aspirations des jeunes travailleurs, des jeunes futurs travailleurs, des jeunes précaires,…’’

LS : Comment les choses se sont-elles lancées dans le Hainaut et à Charleroi ?

AT : ‘‘Cela s’est fait assez naturellement à vrai dire. Une plate-forme Hainaut s’est crée et nous avons rapidement rejoint la campagne. Une première Marche a eu lieu à Mons le 1er mai et a rassemblé une centaine de jeunes. A la suite de cela, un groupe d’action s’est crée à Charleroi. Une première rencontre a eu lieu avec la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) et le PSL il y a 4 ou 5 mois. De là, on a discuté des revendications à lancer et des actions à faire à Charleroi et dans le Hainaut plus généralement. Puis on a lancé une série d’invitations à des mouvements de jeunes présents sur Charleroi pour mettre en place le groupe le plus large possible et ainsi toucher un maximum de jeunes avec ces réseaux. Pour l’instant il y a le PSL, les jeunes de Comac-Charleroi (le mouvement des jeunes du PTB), le Mouvement des Jeunes Socialiste de Charleroi, la JOC, les Jeunes FGTB, les jeunes de la LCR de Charleroi, et des jeunes politisés mais n’appartenant pas à une organisation ou un parti.

‘‘Avec le groupe, on s’est très vite dit qu’on ne devait pas uniquement se baser sur les organisations, mais aussi chercher à toucher des couches plus larges qui ne sont pas organisées pour les impliquer activement dans la campagne. C’est un principe de base démocratique et participatif auquel nous tenons dans cette campagne. Un des buts de la campagne, c’est que des groupes autonomes de mobilisation puissent se créer un peu partout, dans les écoles, dans les quartiers, dans les lieux de travail…

‘‘Le comité d’action a mis en place un agenda d’activités allant vers une manifestation qui se déroulera à Charleroi le 28 octobre avec jusqu’à cette date, des soirées de sensibilisations, des concerts, des distributions de tracts, la tenue de stands dans les artères de la ville. Un meeting de lancement et de présentation de la campagne a eu lieu le 25 août au centre jeunes, près de 40 jeunes étaient présents.’’

LS : Les jeunes en lutte seront présents à la manifestation européenne du 29 septembre, comment considères-tu cette initiative.

AT : ‘‘Nous lançons des activités au niveau local, mais le 29 nous voulons être fortement présents. Les organisateurs de la manif ont d’ailleurs décidé de laisser la tête du cortège aux jeunes, ce qui est important en termes de visibilité. Mais être présent est très important dans un cadre plus global. Notre lutte est une lutte internationaliste et internationale, contre des structures elles aussi internationales. Il nous faut la solidarité la plus large et la plus internationale possible pour mener à bien ce combat.

‘‘Mais pour mener ce combat, on ne doit pas seulement faire des manifs tous les deux ans. Le but de la campagne s’est aussi de montrer qu’on doit s’impliquer dans les luttes sur le long terme, sur le terrain, dans les quartiers, bien taper sur le clou au quotidien. Ce n’est pas en faisant une sortie de temps à autre qu’on va arriver quelque part. Il nous faut un plan stratégique de lutte globale, on ne peut pas se contenter de défendre nos conquêtes sociales ….C’est donc aussi l’occasion de lancer un message aux structures syndicales entre autres. Elles sont un outil de lutte des travailleurs, elles ont tendances à l’oublier : pour l’instant, on se limite à des activités de défense, mais on doit riposter et attaquer.

« Un autre monde est possible, comme on dit, ouais, mais faudrait peut-être alors commencer à se bouger le cul…’’

==>jeunesenlutte.wordpress.com