Supprimer le redoublement : solution contre l’échec scolaire?

La rentrée des classes est source de stress pour beaucoup de familles. Avant, pour trouver une ‘‘bonne école’’ et, lors de la rentrée, pour trouver les sous que coûte cette école. Les sous pour les fournitures, les déplacements, les activités parascolaires, mais aussi les sous pour le soutien scolaire si l’enfant rencontre des difficultés. Pour les politiciens traditionnels, loin de ces basses préoccupations, la rentrée est synonyme d’effets d’annonce à même de faire remonter leur popularité écornée par l’effet de leur propre politique…

Un monde de l’enseignement en ébullition

En juin de l’année passée, suite aux attaques contre les départs anticipés, les enseignants se sont lourdement mobilisés, excédés face aux dégradations de leurs conditions de travail et donc des conditions dans laquelle nos enfants apprennent. Ce sont pas moins de 12.000 personnes qui ont battu le pavé à Liège contre les mesures d’austérité imposées au secteur. Cela fait tout de même 10% du corps professoral.

Devant cette mobilisation, les directions syndicales et les politiciens ont pris peur. Ils ont décidé de créer une commission afin de tenter d’amadouer le mouvement. Jusqu’à présent aucune demande exprimée lors de la manif n’a été rencontrée.

Alors qu’aucune solution n’est à l’ordre du jours à l’heure de la rentrée, les différents partis au pouvoir se sont précipités dans la presse pour faire des effets d’annonce : Marcourt (PS) pour annoncer qu’il allait lancer une réforme de la formation des enseignants, Nollet (ECOLO) pour les bâtiments scolaire, Simonet et Demotte pour annoncer qu’ils allaient lancer des projets visant à abolir le redoublement.

Es-ce que cela veut dire que la mobilisation pour sauver notre système scolaire est partagée de tous ? Rien n’est moins sûr, car aucun de ces partis n’a dit vouloir apporter de l’argent supplémentaire alors que toutes les mesures mises en avant nécessiteront énormément de budget. En gros, il faut faire plus et mieux avec moins et toujours moins…

 

Un enseignement toujours aussi inégalitaire

Ce que la majorité Olivier se garde bien de mettre en avant, c’est la situation réelle de l’enseignement. Les enseignants, les experts et toutes les études le disent. Notre système d’enseignement est l’un des plus inégalitaires. Une étude de la fondation Roi Baudouin revient sur le test PISA et montre que non seulement les résultats moyens de nos élèves sont moins bons que ceux des autres pays de l’OCDE mais, de plus, les élèves issus de l’immigration subissent une discrimination par rapport à la population belge.

Les réformes menées dans le professionnalisant vont sans aucun doute accroître ces inégalités. La certification par unité (CPU), va renforcer le fossé qui existe au niveau des savoirs généraux entre le général et le professionnel et ne permettra même pas d’améliorer la formation technique des élèves puisqu’il ne sera pas obligatoire de réussir la totalité des unités.

Face cette réalité et à la démotivation des enseignants qui subissent années après années des réformes sans lien et une dévalorisation de leur profession que font nos politiciens à part des effets d’annonces ?

 

Des mesures phares comme slogan, sans réelle mesure de refinancement

Ces derniers mois, différentes mesures ont étés mises en avant :

 

  • Le passage de la formation initiale des enseignants de 3 à 5 ans
  • La régulation des inscriptions
  • Former un tronc commun de formation générale
  • Abolir la pilarisation de l’enseignement
  • Interdiction du redoublement

Ces mesures, pour la plupart, sont portées par des associations, des organisations de parents, des représentants de réseaux, des syndicats, des universitaires qui ont tous à cœur d’améliorer notre système d’enseignement et de le porter vers une voie réellement émancipatrice. Ils se basent sur ce qui marche dans les autres pays, surtout la Finlande, considérée comme un must en matière scolaire.

Dans l’absolu, ces mesures sont toutes souhaitables et auront surement un effet positif sur la qualité de l’enseignement et sur la réussite scolaire. Il faut cependant considérer les problèmes que rencontre notre enseignement dans son processus, on ne peut pas simplement appliquer ce qui marche en Finlande, alors que la Finlande a connu des développements particuliers qui lui ont permis d’aboutir à un tel système. Ignorer cela, c’est considérer les choses de manière abstraite, sans substrat avec les conditions que nous rencontrons. En Belgique, même si cela est souhaitable, il est peu probable que l’on arrive par décret à supprimer les réseaux. La pilarisation de la société, même si elle tend à se diluer aujourd’hui, reste une caractéristique de la société belge. Beaucoup de gens s’identifient encore aux piliers, que ce soit via le syndicat, la mutuelle ou l’école. Il ne suffira pas de dire que l’on fait un seul réseau pour que tous les problèmes soient réglés d’un coup.

Il en va de même pour la formation des enseignants. Le régendat a été créé à une période où il y avait pénurie d’enseignants. Depuis lors, les régents enseignent au niveau du primaire et du secondaire inférieur. Il est clair qu’au vu de la complexification du métier une formation universitaire serait souhaitable pour renforcer les connaissances de la matière enseigné, mais aussi les connaissances en sociologie, en pédagogie et orthopédagogie et en didactique. Cependant, au vu du coup des études, un passage de 3 à 5 ans peut démotiver une partie de ceux qui veulent s’engager dans le métier. De plus, le système universitaire étant très élitiste, on risque d’accroitre encore l’écart entre le milieu culturel et économique des professeurs et des élèves.

La dernière mesure en date – interdire le redoublement – est emblématique de la contradiction entre l’idéal et le réel. Le redoublement coute chaque année 350 millions d’euros par an à la communauté (mais pour le dire cyniquement, c’est le coût de la sélection sociale). Tous les experts s’accordent à dire qu’il est inefficace car il détruit l’estime de soi des élèves et est marqué socialement. Il témoigne d’une bien ‘‘pauvre relation pédagogique’’ entre l’élève et le prof. Cependant, la lutte contre l’échec scolaire nécessite de mettre des moyens supplémentaires à disposition des écoles pour procéder à la remédiation immédiate et à l’accompagnement ciblé et individualisé.

Ce que l’Olivier propose, c’est que les écoles luttent individuellement contre l’échec scolaire avec, éventuellement, une aide. Il n’y a donc aucun plan global de lutte contre l’échec scolaire. Cela signifie de renforcer la ségrégation entre les écoles qui ont les moyens humains et financiers de lutter contre l’échec et ceux qui ne l’ont pas. Avec une inégalité flagrante pour les élèves, puisque selon que l’enfant est dans une école qui a bénéficié de subventions ou pas, il pourra doubler ou non.

Le redoublement est un symptôme, il faut combattre la maladie, qui est le sous-financement de l’enseignement en termes matériel et humain, résultat d’une société gangrénée par ses contradictions de classes. Cette société de classe est profondément inégalitaire, ce se reflète dans notre système d’enseignement.

 

Pour combattre la maladie, il faut tuer le virus

Afin de pouvoir réellement améliorer notre système pour qu’il puisse répondre à ses glorieux objectifs d’émancipation, il faut que les enseignants, les élèves, leurs familles luttent tous ensemble :

 

  • Il faut l’unité de la lutte au-delà des réseaux parce que tout les réseaux sont dans la même situation de sous financement.
  • Il faut améliorer les conditions des travailleurs du secteur, ce qui passe par le maintien et la restauration des acquis et par une revalorisation salariale ainsi qu’une attention pour la formation continue, organisée et payée par la collectivité.
  • Il faut que les étudiants du secondaire et du supérieur se mobilisent pour exiger un enseignement général technique et scientifique pourvu d’infrastructures dignes de ce nom accessible à tous
  • Il faut que tous ensemble (parents, élèves, professeurs, personnel non-enseignant), on réclament un enseignement réellement gratuit en prenant l’argent nécessaire là où il est chez les capitalistes et les patrons

Cela passe par la création de comité d’élèves, de parents et de travailleurs du secteur, professeurs ou non, qui discutent démocratiquement des besoins et des revendications de chacun afin de mettre en avant un plan d’action qui puisse faire changer le cours des choses.